Le corps poreux de Sofia El Khyari, introspection poétique et intime

Le corps poreux de Sofia El Khyari, introspection poétique et intime

Récemment mis en ligne par la réalisatrice marocaine Sofia El Khyari, Le Corps poreux est un court métrage animé réalisé dans le cadre de son cursus au Royal College of Art en 2018. Sensible et délicat, il est porté par une voix off poétique extrêmement évocatrice. C’est la réalisatrice elle-même qui dit le texte, mettant sa voix chaude au service de la musicalité des mots et de la profondeur du propos. 

L’écriture très fine, très ciselée, nous met sur la piste d’un récit introspectif : une jeune femme en quête d’identité se confronte à elle-même au contact de l’eau. La réalisatrice joue sur cet élément liquide qui fait alors office de révélateur, au sens fort du terme. D’abord, par le jeu d’aquarelles aux contours flous, le personnage semble se fondre avec la mer. Puis elle se réfléchit à sa surface, comme dans un miroir. Un très beau travail de surimpression permet alors à une actrice, filmée en prise de vue continue, de se substituer au personnage dessiné. C’est une séquence très forte, dans laquelle la jeune femme semble se redécouvrir, apprivoisant peu à peu ce “moi” profond qui lui est révélé. 

Le corps voilé / dévoilé se livre dans ce qu’il a de plus intime en nous permettant d’explorer sa surface, cette peau qui est comme un passage vers son intériorité, et nous emmène aux tréfonds de la pensée. 

Ce sont alors de splendides passages abstraits, colorés, qui jouent sur les textures et les reflets. L’image est à la fois mouvante et vibrante, comme un cœur battant. Le souffle de la jeune femme nous accompagne dans ce voyage intérieur. Puis c’est l’apaisement. Le retour à soi-même. Les angoisses momentanément éloignés, le personnage retrouve sa place dans le monde, s’appréhende comme “faisant partie d’un tout” qui est aussi le prolongement d’elle-même, et dont elle est un rouage infime mais précieux.

On est conquis par la tonalité si personnelle de ce film qui n’a pas peur de se confronter au questionnement intime des origines et du lien que l’on entretient avec elles. La mer est ici bien plus qu’un élément de décor, c’est une entité mouvante qui réconforte et réconcilie, réunissant par sa texture-même (elle enveloppe et reflète à la fois) le moi profond du personnage et ses avatars en proie aux angoisses et interrogations liées à l’éloignement, à l’exil ou à la solitude.

Le film dépasse alors la simple quête individuelle pour tendre un fascinant miroir au spectateur : car en chacun, dans le secret intérieur de ces « corps poreux » magnifiquement mis à nu par le film, se dissimulent des angoisses à la parenté évidente.

 Pour aller plus loin : découvrez également sur la chaîne Viméo de Sofia El Khyari, son autre film Ayam, en attendant son nouveau court métrage, L’Ombre des papillons, qui sera pitché au Festival d'Annecy en juin prochain !