Le Festival a lancé les festivités de sa 60e édition avec Josée, le tigre et les poissons de Tamura Kotaro, présenté en avant-première avant sa sortie ce mercredi 16 juin. Il s’agit du premier long métrage du réalisateur japonais, qui s’inspire d’une nouvelle de Seiko Tanabe.
Le film raconte la rencontre entre Kumiko, une jeune fille paraplégique farouche et fantasque, et Tsuneo, un étudiant brillant, passionné par la plongée sous-marine, qui rêve de partir au Mexique. Par pur hasard, le jeune homme devient le garde-malade de Kumiko, qui le traite en véritable esclave. Pourtant, une amitié naît lentement entre eux au fur et à mesure qu’ils apprennent à se connaître.
Le film, auquel on ne peut pas reprocher de ne pas tenir sa ligne de bout en bout, excelle dans le genre bien particulier de la romance sirupeuse. A condition d’être fan de ce type d’histoires, on se laissera porter par les multiples rebondissements de cette histoire d’amour ô combien contrariée. Evidemment, si l’on est allergique à l’eau de rose et aux bons sentiments, voilà qui est plus délicat. Il faut même reconnaître que l’on est sidéré par l’audace scénaristique de la dernière partie du film, qui va plutôt loin dans la surenchère émotionnelle, et ne nous épargne pas grand chose, de l’improbable renversement du destin aux multiples fins emboîtées.
Malgré tout, si l’on parvient à faire abstraction de cet abus de guimauve, certains aspects du film s’avèrent plus intéressants, à commencer par la veine extrêmement intimiste du récit. Ici, pas d’action spectaculaire, pas d’incursion dans le fantastique, mais une simple comédie romantique qui joue sur un mode presque minimaliste avec les clichés du genre, entre une promenade à la mer et une dégustation de crêpe.
Le leitmotiv du film, la nécessité de croire en ses rêves et de tout faire pour les réaliser, n’est pas particulièrement confondant d’originalité non plus. Pourtant, les obstacles rencontrés par chacun des personnages (Tsuneo vient d’un milieu très modeste et cumule donc les petits boulots pour espérer payer son voyage au Mexique, Kumiko qui est paraplégique doit combattre les préjugés pour accéder à une existence indépendante et devenir illustratrice), donnent une ampleur différente à cet objectif en apparence naïf. C’est en effet l’occasion d’aborder frontalement les questions de la pauvreté et du handicap au sein de la société japonaise, sans qu’elles ne soient le véritable sujet du film, et n’aient donc besoin de trouver une résolution artificielle.
Car ce qui semble finalement au coeur du récit, ce sont surtout les difficultés endémiques des personnages à exprimer et (s’)avouer leurs sentiments, ce qui finit par les pousser dans un jeu de chassé-croisé amoureux mortifère. Le personnage de Kumiko, fascinée par les romans de Françoise Sagan au point d’emprunter le prénom de l’une de ses héroïnes, Josée, est d’ailleurs un étrange mélange de jeune fille trop gâtée (qui attend du monde qu’il se plie à ses désirs) et ultra-sensible, incapable de laisser voir ce qu’elle ressent, et qui dissimule ses émotions derrière une agressivité cruelle. Et c’est finalement par sa manière de dépeindre ce qui semble être le véritable handicap du personnage, en écho au premier, que le film réussit à nous accrocher.
Fiche technique Josée, le tigre et les poissons de Tamura Kotaro (Japon, 2020) Avec les voix de Kaya Kiyohara, Taishi Nakagawa, Matsutera Chiemi... 1h38 Sortie le 16 Juin 2021