Pour sa 4e édition, le Prix de la Meilleure Création Sonore créé par Christian Hugonnet récompensera un film de la Section Un Certain Regard pour son « excellence sonore ». Pour départager les 20 films en compétition, le jury présidé par le réalisateur Philippe Le Guay se compose du musicien Rone, du compositeur Bruno Coulais, du chef opérateur du son Guillaume Sciama, de Janine Langlois-Glandier, grande figure de l’audiovisuel français, et du fondateur de la récompense.
L’occasion de rencontrer Rone, star de la scène électro, à qui l’on doit par ailleurs la bande originale de La Nuit venue de Frédéric Farrucci et du nouveau film de Jacques Audiard, Les Olympiades, en compétition cette année à Cannes, pour parler de création sonore et de musiques de films.
Ecran Noir : Quels éléments le jury du Prix de la Création sonore prend-il en compte ?
Rone : Au-delà de la musique, on est très attentif aux bruitages, aux sons d’ambiance, au mixage… à la dynamique aussi. Il est étonnant de voir que dans certains films, c’est un volume quasi constant, tandis que d’autres jouent beaucoup sur les reliefs et me contraste. C’est un exercice intéressant de se concentrer sur le son, quand on regarde un film. Un bon film, c’est un tout, et ce n’est pas toujours facile de faire attention à une chose en particulier. C’est pour cela que j’ai tout de suite accepté de faire partie de ce jury : je trouvais ça vraiment passionnant ! C’est l’occasion de récompenser toute l’équipe qui a travaillé sur le son d’un film !
EN : Vous composez vous-même des musiques de films. Est-ce que cela vous amène à participer également à la phase de mixage son ?
R : Oui, j’ai été présent au moment du mixage sur tous les films que j’ai fait. Je ne sais pas si tous les compositeurs le font, mais ça me semble super important et j’y tiens beaucoup. Je vérifie notamment que l’on entend bien la musique, que le niveau correspond à ce que j’attends. Sur Les Olympiades par exemple, il y avait tout un travail avec la sound-designeuse sur les bruits d’ambiance, notamment pour le générique du film. C’est un long plan-séquence sur Paris et on entend le bruit de la ville. J’ai eu envie d’intégrer ce son dans ma composition. La musique et le sound-design sont donc très liés. En tout cas, quand je compose, j’aime bien avoir déjà de la matière sonore, c’est-à-dire des bruitages. Pour le film de Jacques Audiard, j’ai travaillé sur un montage assez élaboré dans lequel il y avait déjà ces sons d’ambiance. J’ai composé ma musique sur cette base, en leur laissant de la place quand c’était nécessaire, ou en faisant des jeux d’écho et de résonance. Par exemple, un son de klaxon, ça peut être intéressant à caler dans une partition plus musicale.
EN : Comment décririez-vous la dimension qu’apporte la création sonore à un film, et qui est parfois difficile à saisir pour les spectateurs ?
R. : Je crois que c’est souvent de l’ordre de l’inconscient. Le son peut dire beaucoup de choses dans la narration, de manière plus subtile qu’une image. J’ai presque envie de dire que le son représente 50% du film, et l’image les 50% restants. Dans les films que j’ai pu voir depuis que je suis arrivé, j’ai été frappé de voir que l’on est bien au-delà d’une musique illustrative ou de bruitages fonctionnels. Cela pose souvent un sens, ou cela articule quelque chose dans la narration. Ca crée du sens. Bien sûr, la musique dit beaucoup : c’est amusant de penser que sur un même plan, en changeant la musique, on change complètement sa tonalité, rendant la même scène triste ou comique. Mais les bruitages et la manière dont on va spatialiser le son influent aussi sur le sens de ce que l’on voit. Les bons réalisateurs en sont conscients, et exploitent toutes les possibilités du son. C’est pour cela que ce Prix est vraiment important, il permet de récompenser un travail qui est trop rarement mis en avant.
Visuel Rone © Alexandre Ollier