Cannes 2021 | L’Histoire de ma femme d’Ildiko Enyedi, scènes de la vie conjugale

Cannes 2021 | L’Histoire de ma femme d’Ildiko Enyedi, scènes de la vie conjugale

Adapté d’un roman de Milán Füst, L’Histoire de ma femme est une fresque intimiste qui raconte les relations chaotiques entre un capitaine au long cours et son épouse Lizzy dans l’Europe des années 20. On comprend mieux pourquoi ausculter ce couple en crise perpétuelle prend quasiment 3h lorsque l’on sait comment ils se sont rencontrés. Lui, prototype du mufle macho qui ne doute de rien, décide (« par jeu ») d’épouser la première femme qui passera la porte. Elle, libre et désabusée, accepte, non sans arrières-pensées : quoi de plus pratique quand on veut être une femme indépendante qu’un mari qui s’absente pendant des mois ? Difficile, sur ces bases, de faire plus dysfonctionnel, le marin ne cessant de craindre les infidélités de la jeune femme, qui, de son côté, ne cesse de devoir lutter pour ne pas être déduite à l’état de meuble attendant sagement le retour du héros.

Le film, qui adopte pleinement le point de vue du mari jaloux, est construit en 7 chapitres qui représentent – ironiquement – les différents stades par lesquels il passe, de la « résolution des problèmes pratiques » au « détachement », en passant par la « perte de contrôle ». Si certaines séquences parviennent à déjouer les attentes du genre (la nuit de noces consacrées à jouer au strip-poker, certaines répliques cyniques de Lizzy, le jeu sur les situations traditionnelles du marivaudage), l’ironie laisse malheureusement vite place à l’ennui et à l’académisme formel. L’intrigue ronronne, de crise en réconciliation, et les intrigues secondaires ne parviennent pas à relancer l’intérêt.

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Si le film donnait le point de vue du personnage féminin, peut-être arriverait-on à une sorte d’équilibre du récit. Malheureusement, Lizzy n’est, aux yeux de son mari comme du spectateur, qu’un fantasme désincarné, mécaniquement provocante et insouciante. A quoi pouvait bien s’attendre ce mari naïf qui épouse la première venue sans la connaître, semblant considérer que toutes les femmes se valent ? Partant de là, on a du mal à se laisser prendre à ce qui nous est présenté comme une histoire d’amour malheureuse, et qui s’avère surtout l’histoire d’un désir maladif de possession, et de l’incapacité, justement, d’un homme à aimer une femme en dehors d’une vision purement petite-bourgeoise. 

Le film semble se donner beaucoup de mal pour induire l’idée qu’il faut savoir regarder au-delà des apparences et l’on a bien compris que le personnage aimant sincèrement l’autre n’est pas forcément celui que l’on croit. Pourtant, Ildiko Enyedi ne fait pas grand chose de cette perspective, trop occupée à laisser planer le doute sur les infidélités de la jeune femme, sans doute pour placer le spectateur dans la même situation que le protagoniste masculin. Si ce n’est qu’en réalité, on se moque de savoir si Lizzy trompe ou non son mari, le comportement de ce dernier étant tout aussi inacceptable dans les deux cas. La véritable question serait d’ailleurs plutôt de savoir à qui il importe avant tout de rester fidèle : à soi-même, ou aux autres ?

Fiche technique
L'Histoire de ma femme d'Ildiko Enyedi (Hongrie, 2021)
Avec Gijs Nader, Léa Seydoux, Louis Garrel... 2h49
Sortie : 12 janvier 2022
En compétition officielle