Cannes 2021 | La France éclatée de Bruno Dumont

Cannes 2021 | La France éclatée de Bruno Dumont

Le réalisateur fait le portrait d’une femme, d’un pays, et d’un système à travers un film qui oscille entre la passion triste, la satire dramatique et la dénonciation cynique. Trop gourmand, le film ne réussit jamais à trouver sa cohérence.

Fable et farce, existentiel et philosophique, politique et satirique, France multiplie les tonalités, pour, au final, devenir un film désarticulé, confus et énigmatique.

France de Meurs est une journaliste, présentatrice, reporter d’une chaîne d’info, au sommet de sa gloire médiatique. Son couple bat un peu de l’aile. Tout va bien – Macron lui sourit, c’est dire, Dior lui prête des robes – jusqu’à un banal accident où elle renverse un scooter. Une « faute » qui l’entraîne dans une dépression et lui fait quitter l’antenne… pour finalement y revenir, accro aux plateaux et à ses reportages où elle se donne en spectacle.

Fiche technique
France, 2h14
Sortie en salles le 25 août 2021
Réalisation et scénario : Bruno Dumont
Musique : Christophe
Photo : David Chambille
Distribution : ARP Sélection
Avec Léa Seydoux, Blanche Gardin, Benjamin Biolay, Emanuele Arioli
En compétition au Festival de Cannes 2021

Rien n’est réaliste (et c’est sans doute voulu de la part de Bruno Dumont). Ni les costumes, ni les décors ( la jolie maison moderne pour un couple sans revenus ou la chambre d’hôpital luxueuse), ni la conférence de presse de Macron (désastreux effet spécial), ni même le métier de journaliste. On est dans un fantasme de bout en bout, avec pas mal d’excès. Jusqu’à l’overdose de sujets abordés et souvent répétitifs.

Blanche Gardin en fait trop dans son registre, l’accident de voiture sur la cote de l’Esterel est filmé comme un cartoon des Looney Tunes, au point d’en devenir risible. On est plongé dans un univers caricatural et on subit des dialogues lénifiants. Tout cela ne fonctionne pas…

Les trop nombreux styles de Bruno Dumont

A ne pas savoir quel film choisir, Bruno Dumont se disperse dans sa proposition, au point de ne pas savoir comment le finir. France ne se boucle qu’après le cumul de plusieurs épisodes, jusqu’à en devenir interminable.

Qu’a-t-il voulu nous dire, nous montrer, critiquer ? L’Etat du pays, entre faits divers, cirque médiatico-politique et élite financière supranationale ? Le cynisme et le vide sémantique de ces décideurs ou servants du pouvoir ? La construction et la manipulation médiatique d’événements dramatiques ?  Ou tout simplement l’histoire d’une femme puissante qui perd pieds et se réfugie dans son égocentrisme pour survivre, vendant son âme dans un pacte faustien. Finalement, seuls l’amour et la consolation pourraient la sauver de ce monde violent et chaotique…  

Jouant de la superficialité du milieu, de la vulgarité de l’époque, du diktat de l’image et de la réputation – « tout ce théâtre à la con » – le film en devient artificiel et les enjeux factices. Avec tous les stéréotypes connus, Dumont tente de dénoncer les mécanismes d’une époque où populisme et propagande prospèrent.

Les mille visages de Léa Seydoux

Et puis il y a ces monologues et ses réflexions intimes qui élèvent le niveau. C’est bien dans les tourments de son héroïne (de loin la plus belle performance de Léa Seydoux) qu’il réussit à nous emporter. Il filme son visage comme il filme ses paysages. Laissant le temps d’en comprendre la beauté et les nuances.

Souffrant d’un découpage baroque et d’un montage trop plat, France, film cynique et peu aimable, arrive heureusement à se transcender grâce à son personnage principal, effroyablement humain et victime de ses propres ambitions. Il est impossible de la plaindre et il est improbable qu’on s’y attache. Mais son parcours de douleurs et de gloire, est une belle passion triste, qui aurait suffit à elle-même, sans en rajouter des « caisses ».

On ne peut croire que le réalisateur ait abusé d’autant de maladresses formelles et échoue, ainsi, à rendre cohérent ce pensum sur une société proprement dégoûtante, immorale et infâme. Pourtant, c’est bien l’impression que donne France : celle d’un gros plat en sauce indigeste, sans saveur particulière à force de mélanger l’épicé et la salé.