La 2e édition de Format court s’est déroulée entièrement en ligne en novembre 2020, pour les raisons que l’on connaît. A l’occasion de la soirée de reprise du Palmarès ce jeudi 23 septembre au Studio des Ursulines, et en attendant la prochaine édition du 23 au 28 novembre prochain, nous avons fait le point avec Katia Bayer, directrice artistique de l’événement, et rédactrice en chef du site Format court.
Quelle était votre motivation en lançant le Festival Format Court en 2019 ?
Katia Bayer : Le projet était d’accompagner les 10 ans du site internet Format Court lancé fin 2009. Quand on franchit un tel cap, on se dit que ce serait bien de faire quelque chose de grand. Une fête ? Oui, mais pas seulement. L’idée du festival s’est imposée petit à petit. J’ai programmé des séances de courts tous les mois pendant un peu plus de 5 ans au Studio des Ursulines (dans le 5e arrondissement de Paris) de 2012 à 2017. Il s’agissait déjà d’une expérience de mini festival car il y avait tout à faire : la programmation, l’animation de rencontres, la promotion, …. Ces années ont été formatrices, on ne lance pas dans un festival comme ça. Il faut apprendre, voir des films, repérer, être curieux, être attentif aux cinéastes émergents et aux autres festivals… On n’a pas voulu concurrencer les gros festivals, on n’en avait ni les moyens ni le temps. On a monté un festival qui ressemblait à Format Court, on a misé sur une programmation ouverte, éclectique, des rencontres suivi de pots quotidiens, permettant aisément au public d’échanger avec des pros souvent difficiles d’accès. Philippe Rebbot et Damien Bonnard, nos super parrains de l’époque, et les 25 autres invités présents ont ainsi pris le temps d’échanger avec le public. C’était super !
La 2e édition du Festival n’a pas pu se tenir de manière physique, mais elle a malgré tout pu avoir lieu en ligne. Que retirez-vous de cette expérience ?
KB : Comme les autres, on a été dépassé par la crise. C’était impossible de prévoir quoi que ce soit. Je me souviens avoir eu de longues discussions avec Emilie Nouveau qui venait tout juste de prendre son poste de directrice aux Ursulines. Bien avant qu’on se retrouve confinés, nous avions pris la décision de monter une compétition. Personnellement, ça me semblait trop tôt, nous n’avions testé le projet de festival qu’une seule année auparavant. Mais trois de mes collaborateurs, Karine Demmou, Elsa Levy et Gaspard Richard-Wright, étaient ultra motivés et m’ont convaincue de me lancer. Nous avons lancé un appel à films, sans trop savoir ce qui allait se passer, sans grosse communication, juste via nos réseaux. Nous avons reçu un peu plus de 500 films. La veille du premier confinement, quand tout se refermait, nous avons finalisé notre sélection à distance. 25 films, 5 programmes. Et puis… Nous étions en mars, le festival devait avoir lieu près d’un mois et demi plus tard. Nous avons décalé le tout à novembre. A ce moment, les salles n’ouvraient toujours pas. On aurait pu annuler, cela aurait gâché le travail de plusieurs mois pour la sélection mais aussi pour nos thématiques. On a gardé nos dates et en deux semaines, nous avons tout fait basculer sur notre site web. La programmation soit 9 séances (les 5 programmes en compétition et nos 4 focus) s’est retrouvée en ligne au lieu d’être en salle. Il y a eu des Q&A quotidiens avec les équipes de films ainsi que des ouvertures/clôtures sur Zoom. Ça a été un tour de force de tout faire en si peu de temps !
Ce que j’en retiens ? C’est que tout est possible même dans l’urgence. Concrètement, sans l’accord des réalisateurs, producteurs et distributeurs, nous n’aurions pas pu conserver ce festival tel que nous l’avions pensé pour la salle. Nous avons quasi tout pu diffuser (gratuitement pour le coup), avons touché un public qui ne se serait pas forcément déplacé et maintenu malgré tout ce que nous aimions : la rencontre. Alors bien évidemment, ce n’était pas comme quand on se retrouve au bar du coin mais néanmoins, nous avons pu montrer des films de partout et dialoguer avec des pros belges, français, roumains, hongrois, iraniens, … Les gens ont été très généreux en terme de temps et d’investissement : les jurys pro et presse se sont adaptés, on a fait des délibérations en ligne, notre marraine, Maïmouna Doucouré, a pris le temps d’évoquer son parcours, Serge Bromberg, le patron de Lobster Films, a discuté avec nous pendant plus de 2h de vieux films… Voilà, c’était une édition pas comme les autres, mais dingue. On s’en souviendra ! On a appris aussi. Par exemple, faire 3 Zooms successifs un soir d’ouverture, c’est une très mauvaise idée ! On aurait eu besoin d’un peu plus de temps pour réadapter la grille mais a posteriori, cette urgence nous a poussés à imaginer des choses, comme par exemple le prix du public. On a lancé un vote virtuel grâce à un formulaire Google et hop, c’était joué. Les gens ont vu les films et ont choisi leur film. C’est important que le public soit juge. C’est une info importante pour les auteurs et les festivals.
On a l’impression que le court métrage a bien tiré son épingle du jeu pendant les différents confinements, car il a continué a beaucoup circuler en ligne, contrairement au long qui était un peu au point mort…
KB : Pendant cette période, les gens manquaient de contenu. Nous, nous avons l’habitude de diffuser des courts sur le web, les films ont déjà tellement de mal à se faire repérer. Bien évidemment, quand un film de Truffaut ou de Varda se pointe sur la Toile, tous les médias le diffusent et tant mieux. Quand Cannes n’a pas pu eu lieu l’an passé, nous avons diffusé quotidiennement des courts récents comme plus anciens sur la Toile pendant les dates du festival. Ça a très bien marché et la presse en a parlé. La forme du court fonctionne bien sur le web, c’est vrai, et elle peut rencontrer un public important. Il y a eu beaucoup d’initiatives sur le web pour continuer à faire circuler les films pendant les confinements. Tant mieux. Je pense que si le long a moins marché, c’est parce que l’économie n’est pas la même. Nous n’aurions pas pu montrer 25 longs-métrages sur notre site en deux semaines, surtout gratuitement, c’est sûr. Après, si le court a pu toucher de nouvelles personnes à une période où on ne savait plus quoi regarder, c’est une bonne chose. Les gens avaient du temps et étaient donc peut-être plus ouverts à de nouvelles choses. Reste à savoir si ils vont reprendre le chemin des salles et fréquenter à nouveau les festivals.
Pourquoi était-ce important de proposer cette soirée de reprise du palmarès au cinéma des Ursulines ?
KB : On aurait pu diffuser le palmarès quand les salles ont réouvert. Cela aurait voulu dire fonctionner avec une salle un peu vide, s’adapter aux quotas. On a préféré attendre que tout le monde puisse retourner en salle, sans limitations. La soirée de ce jeudi, c’est aussi un avant-goût de notre prochain festival qui arrive bientôt, dans 2 mois. C’était important de diffuser tous les films, même les mentions, car le virtuel, c’est pas mal, mais le réel, c’est bien aussi ! Le palmarès, c’est la conclusion de cette deuxième édition. On invite les équipes, les jurys, les partenaires, on va rencontrer pour la première fois certains réalisateurs et on va aller le prendre ce verre, en fin de séance ! Avec les spectateurs-internautes de cette drôle de deuxième édition.
Comment va se dérouler la soirée ?
KB : On a réparti les 7 films primés par les jurys en 2 séances, l’une à 18h30, l’autre à 20h30. Il y aura deux projections, un temps d’échange plus court que par Zoom, et un final ensemble. Depuis la rentrée, les choses s’accélèrent, les gens ont beaucoup moins de temps, l’offre est à nouveau abondante. On espère que les gens seront de retour en salle et prendront le temps de voir les oeuvres fortes qu’on a sélectionnées et que les jurys ont distinguées. C’est important pour les équipes d’aller à nouveau à la rencontre du public. Jeudi, 6 équipes sur 7 seront présentes, c’est un signal fort pour nous et le festival. Les gens ont envie de se retrouver. Mathieu Volpe, le réalisateur de Notre territoire, Mention spéciale et Prix de la presse, qui vit à Bruxelles, se déplacera spécialement de Milan. Isabelle Paillat qui a reçu l’un des deux prix d’interprétation pour Sole Mio de Maxime Roy vient de Nice. Quatre autres films sont représentés. On est ravi.
Comment s’annonce la prochaine édition ? Certains temps fort sont-ils déjà connus ?
On est en train de finaliser la sélection de la compétition. On a voulu donner plus de chances aux films réalisés depuis notre dernière sélection : on accepte des films de 2019, 2020 et 2021. On a pris plus de temps pour sélectionner les films cette année en ouvrant un appel à films pendant 7 mois. Des regards d’ailleurs nous arrivent et c’est très intéressant. Grâce au jeu des co-productions, on voit des films réalisés ici et ailleurs : Belgique, France, Guinée, Sénégal, Colombie, Italie, RDC, Maroc, Suisse, Irlande, République tchèque, Slovaquie, Algérie, Chine, Brésil, Uruguay, Guadeloupe, Égypte, Portugal, Croatie, Togo, Estonie, Hongrie, Japon, Pays-Bas, Mali, Danemark, Tunisie, Roumanie, Haïti, Iran, Bulgarie, Allemagne… On prévoit comme d’habitude des séances parallèles car si la compétition est importante, c’est essentiel pour nous de montrer d’autres courants, d’autres approches. Quatre nouveaux focus sont prévus : la Suède (nouveau pays invité après la Belgique en 2019 et la Roumanie en 2020), le festival de Locarno, l’Agence du court-métrage et la Fémis. Des équipes seront présentes pour accompagner toutes ces séances.
Pour aller plus loin Reprise du Palmarès Format Court 2020 : jeudi 23 septembre à 18h30 et 20h30, au Studio des Ursulines Programme de la soirée Page Facebook de l'événement