Après une édition online en septembre 2020, le Cartoon Forum – évènement professionnel consacré aux projets de séries d’animation – a marqué son grand retour en présentiel à Toulouse du 20 au 23 septembre.
En tout, ce sont 84 projets venant de 21 pays qui ont été présentés. Comme toujours, la France était particulièrement bien représentée avec plus d’un tiers des projets (précisément 33) et une mobilisation massive des professionnels.
Si les programmes à destination du jeune public restent encore et toujours la norme – il faut bien remplir les grilles « jeunesse » des différentes chaînes – 14 d’entre eux visent malgré tout les « adultes et jeunes adultes », proposant un large éventail de thématiques et de récits ambitieux, et souvent ancrés dans notre époque.
Parmi eux, trois séries documentaires se sont distinguées : Cannabiz (Lardux Films & Neos Films) porté par les réalisateurs Victorien Tardif, Oscar Aubry et Mickael Dupré ; Voix d’espoir (Moukda production) porté par Sonia Vevlvien et Un cyberpsy sur les réseaux sociaux: 12 histoires connectées à l’usage des plus ou moins connectés (Schuch productions & Look at sciences) de Vincent Gaullier et Jean-Jacques Lonni.
Les trois projets reposent sur des témoignages enregistrés, qui servent de structure à chaque épisode. Dans Cannabiz (prévu en format 10 fois 5 minutes), il s’agit de dealers de cannabis qui racontent les coulisses de leurs trafics ainsi que les situations sociales parfois complexes dans lesquelles ils évoluent. Le style graphique est relativement réaliste, avec des couleurs pop. Voix d’espoir (format 13 fois 4 minutes) donne la parole à des personnes frappées par différentes formes de dépression, en proposant un style graphique spécifique pour chaque épisode. Enfin, Un cyberpsy sur les réseaux sociaux (format 12 fois 6 minutes) met également en scène des histoires vraies liées aux pratiques en ligne (une jeune femme qui se dévoile sur Instagram, un jeune homme qui joue sur sa vieille Xbox avec le fantôme de son père mort…) et décodées par le psychiatre Serge Tisseron.
Les fictions (voire auto-fictions) ne sont pour autant pas en reste. On pense notamment aux Seniors, une comédie noire tchèque proposé par Vernes & Maur film, qui se situe dans un futur dystopique dans lequel les êtres humains sont devenus immortels. Le contrôle strict de la natalité pousse alors les familles en mal d’enfants à adopter des personnes âgées. Sur un format de 10 fois 22 minutes, Les Seniors promet un univers cohérent et ultra satirique, qui aborde des problématiques déjà très actuelles, comme la traçabilité des individus et la course effrénée au progrès médical.
Dans un autre registre, impossible de passer à côté de l’un des projets les plus militants de ce Cartoon, la série Pour exister ! produite par Les Astronautes et portée par le duo Kelsi Phung et Fabien Corre, qui s’était fait connaître dès son film de fin d’études aux Gobelins, Les lèvres gercées. Il s’agit d’un ambitieux format feuilletonnant de huit épisodes de 26 minutes suivant les destins croisés de personnages transgenres et non-binaires dans le milieu LGBTI+ parisien. Proposant des « role models » non hétéro-normés, le projet s’intéressera aussi aux questions contemporaines liées aux revendications LGBTI+.
On a également repéré, parmi les programmes adultes décidément éclectiques, le projet Dick has a problem, produit par la société irlandaise Wiggleywoo, une comédie noire mettant en scène un alcoolique repenti hanté par les fantômes de son passé (format 6 fois 22 minutes) ainsi que l’adaptation de la bande dessinée Voro de Janne Kukkonen par les Films du poisson rouge et Why Not Animation & Interaction (format 16 fois 26 minutes), une quête initiatique moderne dans un univers d’heroic Fantasy d’une grande richesse, et qui devrait en parallèle donner naissance à un jeu vidéo (notre image de bandeau).
Enfin, deux projets ayant en commun d’être nés sur Instagram ont particulièrement retenus l’attention des professionnels présents : Samuel d’Emilie Tronche, produit par Les Valseurs (format 20 fois 4 minutes), et Flippé de Théo Grosjean produit par Autour de minuit (format 20 fois 2 minutes). Le premier raconte en voix-off, à la première personne, les états d’âme d’un jeune garçon de 10 ans qui connaît ses premiers émois amoureux. La musique et parfois la danse viennent en contrepoint pour exprimer ses émotions. Le ton est volontairement décalé, jouant avec les attendus du genre, et l’ensemble a clairement été pensé pour répondre aux modes de « consommation » actuels des contenus, à savoir une diffusion sur Arte sous la forme d’une web-série (dès 2022) ainsi qu’une campagne musclée à destination des réseaux de type TikTok ou Facebook.
Le second, adapté de la bande dessinée « L’homme le plus flippé du monde », joue avec nos peurs et nos névroses à travers le quotidien de Théo, qui souffre de troubles anxieux. Pour lui, tout est source d’angoisse, et le coach en mal-être qui l’accompagne n’est pas d’une grande aide… Une série en partie autobiographique dans laquelle on va aimer se reconnaître… A noter que Kyan Khojandi fait doublement partie de l’aventure, puisqu’il est à la fois à la direction artistique et dans le casting voix, en compagnie notamment de Brigitte Lecordier et Garance Marillier. La bonne nouvelle, c’est que la série est elle aussi bien avancée, et on devrait la découvrir au premier semestre 2022 sur Canal +.
Il faudra en revanche s’armer de patience pour un grand nombre de projets qui en sont encore seulement au stade du développement, voire du simple concept.