Les Arcs 2021 : pleins feux sur la compétition de courts métrages

Les Arcs 2021 : pleins feux sur la compétition de courts métrages

Alors que la 13e édition du Festival des Arcs s’achève, nous nous sommes penchés sur la compétition de courts métrages, plus discrète mais tout aussi passionnante, qui s’est ouverte mercredi 15 décembre dans les hauteurs alpines enneigées. En tout, 24 films venus de toute l’Europe, qui ouvraient une réjouissante fenêtre sur la jeune cinématographie contemporaine. On y trouvait notamment des succès de festivals tels que Easter Eggs de Nicolas Keppens, Haut les coeurs de Adrian Moyse Dullin ou Steackhouse de Spela Cadez, ainsi que les comédies L’Inspection de Caroline Brami et Frédéric Bas, Sprötch de Xavier Seron et Good German work de Jannis Alexander Kiefer, ou encore le nouveau film de Marta Pajek, Impossible Figures and Other Stories I, et les très beaux Déplacé de Samir Karahoda et Noite Turva de Diogo Salgado.

Comme en fil rouge, la sélection faisait par ailleurs la part belle aux personnages féminins forts, souvent en lutte, ou tout au moins en mouvement, à l’image d’Eli, dans Hors de l’eau de Jela Hasler. On la découvre d’abord en train de nager puis de s’ébrouer sur la berge. On la verra ensuite marcher, prendre le bus, faire du vélo. Le film ressemble à une longue déambulation dans la ville écrasée par la chaleur et l’agressivité latente. Il règne dans ces micro-scènes urbaines une tension qui rejaillit lentement sur l’héroïne. Jusqu’à l’explosion, brusque comme un orage d’été, constat d’une violence ordinaire dont l’écho persiste dans les perceptions brouillées de la jeune femme. L’épilogue nous laisse alors face à un constat d’échec, la reproduction de la violence semblant impossible à briser.

Dans Sœurs de Katarina Resek, trois amies unies par une puissante sororité sont elles aussi confrontées à la violence endémique de la cité où elles vivent, entre misogynie et  tradition patriarcale. Là encore la tension contamine tout le récit, jusqu’à un point de rupture à la limite du supportable. La cinéaste trouve pourtant une échappatoire inattendue, qui donne une autre dimension au titre du film, et apporte une étincelle d’espoir : le chemin vers l’émancipation et l’égalité est long, mais nombreuses sont celles qui le parcourent main dans la main. 

Coréalisé par Urska Djukic et Émilie Pigeard, Granny’s sexual life est un documentaire animé qui évoque lui aussi la question de l’émancipation féminine à travers des récits de femmes âgées qui se souviennent de leur vie de couple. Le titre sans équivoque donne le ton d’un film cru, qui joue de ses dessins enfantins et parfois très littéraux pour raconter la vie sexuelle souvent contrainte et sans plaisir des femmes (ici slovènes, mais vraisemblablement du monde entier) de la première moitié du XXe siècle. Malgré la mise à distance permise par le style graphique, et la forme d’humour qui s’en dégage, le film fait l’effet d’un uppercut qui, sans jamais jouer la carte de la dramatisation ou du pathos, nous met en face de réalités malaisantes et douloureuses à entendre.

Sensation identique face au film étudiant All those sensations in my belly de Marko Djeska, récit à la première personne de Matia, une jeune femme transgenre, qui mobilise elle-aussi ses souvenirs pour raconter les troubles, les violences et les désillusions liées à son identité . Sa quête d’une relation amoureuse sincère avec un homme hétérosexuel s’inscrit dans une esthétique tantôt épurée, tantôt à la limite de l’abstraction, qui permet de transcrire sensations et émotions à travers de puissantes métaphores visuelles.

Enfin, dans le registre plus traditionnel du Coming-of-age, le court métrage macédonien North Pole met en scène Margo, une adolescente solitaire qui cherche sa place. Bien décidée à perdre sa virginité pour être acceptée par les « filles cool » de sa classe, elle donne un rendez-vous, qu’elle espère décisif, à son petit ami. La réalisatrice Marija Apcevska propose une chronique sensible et décalée, dans laquelle la question de la première relation sexuelle est abordée sous un jour rafraîchissant. Le finale nous entraîne carrément sur le terrain du jeu, ramenant le personnage du côté d’une enfance dont elle est finalement encore bien proche.

A travers ces différents portraits, c’est la condition féminine dans tous ses états qui s’invitait aux Arcs, formant un passionnant kaléidoscope des préoccupations et interrogations contemporaines.