Cannes 2022 | Les Nuits de Mashhad, thriller efficace mais complaisant

Cannes 2022 | Les Nuits de Mashhad, thriller efficace mais complaisant

Quatre ans après l’étrange Border, Ali Abbasi nous embarque dans un thriller en apparence banal (un serial killer qui s’en prend aux prostitués d’une ville sainte). Le cinéaste danois revient dans son Iran natal avec un film résolument occidental dans ses transgressions (nudité, fellation, violence explicite) et profondément iranien dans son propos (justice, religion, dilemmes, morale). Il flirte avec le cinéma d’Asghar Farhadi mais sans la pudeur de son confrère.

Bien au contraire. Toujours à vouloir provoquer et déranger, le réalisateur se complait dans un voyeurisme malsain, et par conséquent, gênant. Gaphic violence dit-on en anglais. De fait aucun coup de poing, aucune strangulation ne nous sont épargnés, filmés frontalement, longuement, comme si le sadisme du tueur en série, motivé par sa foi absolutiste (un « djihad contre le vice »), méritait d’être valorisé. Ce qui choque c’est bien ce traitement visuel.

Pour le reste, l’intrigue est celle d’un feuilleton policier : une journaliste émancipée enquête sur ce mystérieux « Jack l’éventreur » (ici Saeed l’étrangleur) jusqu’à s’infiltrer sur le trottoir en prenant le risque d’être l’une de ses victimes. Inspiré d’une histoire vraie, ce fait-divers sordide fait d’Holy Spider un film relativement glauque, mais suffisamment bien rythmé pour nous happer dans sa toile.

Cette efficacité très formatée ne libère le film de ses outrances et de quelques flous dans le scénario. En revanche, Ali Abbasi, de façon pas forcément très subtile, souligne les contradictions et atermoiements dans lesquels s’est piégé la société iranienne, soumise à la religion et contrainte d’appliquer une justice, tout en respectant les influences populaire et politique. Un tueur, fut-il monstrueux, obsessionnel et dérangé, qui agit selon les préceptes d’un Imam, peut-il être considéré comme martyr, héros (on revient à Farhadi qui traitait du sujet avec son plus récent film) ou simplement meurtrier?

Le cinéaste sait construire une atmosphère menaçante, agressive, et même tendue, avec peu de moyens. Une moto qui rode la nuit. Un foulard qui traîne. Une incertitude sur l’incorruptibilité des juges. Chaque élément peut renverser la situation. Dommage qu’il utilise des poncifs visuels et des artifices narratifs, qui banalisent son film. Par ailleurs, en voulant plaider la cause des femmes, maltraitées dans ce pays (ce n’est pas nouveau), il ne les filme pas forcément à leur avantage (pardoxalement). Victimes d’un système machiste, elles ressortent de ce récit bien amochées ou méprisées.

C’est d’autant plus troublant que ce pauvre illuminé bien naïf qui joue les « nettoyeurs » voit son action justifiée par son fils, qui pourrait reprendre le flambeau. Glaçant. Et pessimiste.

Les nuits de Mashhad (Holy Spider)
Réalisation : Ali Abbasi
Scénario : Ali Abbasi et Afshin Kamran Bahrami
Musique : Martin Dirkov
Image : Nadim Carlsen
Durée : 1h55
Distribution : Metropolitan films
Avec Zahra Amir Ebrahimi, Mehdi Bajestani, Mehdi Bajestani, Sina Parvaneh, Forouzan Jamshidnejad