La tentation serait grande de qualifier Showing up de film mineur, en raison notamment de son sujet en apparence microscopique : une chronique des quelques jours précédant l’ouverture de l’exposition de Lizzie, une artiste céramiste qui crée des figurines humanoïdes aux expressions habitées. En plus de la montrer au travail, Kelly Reichardt la confronte à une multitude de contrariétés qui viennent révéler en creux sa nervosité et son mal-être.
Il y a, déjà, une panne de chaudière qui la prive d’eau chaude depuis plusieurs jours, transformant son envie de prendre une douche en véritable obsession. Ensuite, c’est un pigeon – blessé – qui monopolise son attention, au même titre que son père qui héberge des squatteurs et son frère qui souffre d’une profonde dépression. Enfin, et on le devine en filigrane, c’est le doute et l’angoisse face à son art qui ne la laissent pas en paix.
Il y a quelque chose d’assez émouvant à voir la réalisatrice américaine, chef de file du cinéma indépendant de son pays, se pencher sur les affres de la création, et par extension sur son bouillonnement parfois capricieux, en brossant en parallèle un joli portrait du milieu artiste de Portland. D’autant qu’elle le fait avec un humour inattendu, et une approche délicatement minimaliste.
On pourrait même avoir l’impression que le film ne raconte rien de tangible, tant l’intrigue tient à distance toute velléité de rebondissement ou de dramatisation. Mais c’est justement dans sa manière de capter l’atmosphère bien particulière qui précède l’exposition (au sens fort du terme, c’est-à-dire pensée comme la mise en nu symbolique de l’artiste qui montre ses oeuvres) que Showing up tient ses promesses.
L’état mental du personnage vient influer sur son environnement, révélant sa sensibilité à fleur de peau mais aussi ses traits de caractère les moins flatteurs, entre aigreur et égocentrisme. Il est assez remarquable que Kelly Reichardt s’attache à un personnage qui ne cherche jamais à être sympathique, tout comme elle évite soigneusement les écueils du genre.
Ni franche comédie, ni plongée introspective mélancolique, Showing up impose sa propre tonalité, et c’est en cela qu’il éveille notre attention. Comme si la réalisatrice assumait une sorte de récit lo-fi (même au regard de ses films habituels) qui affirme qu’il n’y a pas de « petit » sujet, et s’amusait ouvertement de ses apparences anecdotiques. C’est aussi la manière dont on perçoit la métaphore filée du pigeon blessé (aussi transparente que rebattue) qui achève de placer le film sous le signe de la légèreté tendre et ironique.
Fiche technique Showing up de Kelly Reichardt (Etats-Unis, 2022, 1h48) Avec Michelle Williams, Hong Chau, John Magaro, André Benjamin... En compétition