CinéLatino 2023 : « Chili 1976 », la violence de la dictature selon Manuela Martelli

CinéLatino 2023 : « Chili 1976 », la violence de la dictature selon Manuela Martelli

Le début du film fait entendre une scène de violence hors-champs : les bruits d’une arrestation violente, sans qu’on ne voit rien de sa brutalité. Nous sommes à l’intérieur d’une boutique, où une femme d’apparence bourgeoise fait un achat. Par précaution le gérant ferme le rideau un moment. Un peu après, elle ressort de la boutique pour rejoindre sa voiture. Dans la rue, il y a une chaussure perdue. Les forces de l’ordre du pouvoir politique de Pinochet en 1976 laissent peu de traces (quand elle n’est pas approuvée) pour les yeux d’une certaine bourgeoisie privilégiée. Mais pas pour Carmen…

Chili, 1976. Trois ans après le coup d’état de Pinochet, Carmen part superviser la rénovation de la maison familiale en bord de mer. Son mari, ses enfants et petits-enfants vont et viennent pendant les vacances d’hiver. Lorsque le prêtre lui demande de s’occuper d’un jeune qu’il héberge en secret, Carmen se retrouve en terre inconnue, loin de la vie bourgeoise et tranquille à laquelle elle est

Avec Chili 1976, la réalisatrice Manuela Martelli évoque la dictature de manière très personnelle, avec son héroïne, une femme déjà grand-mère au sein d’une famille plutôt favorable au régime dictatorial de Pinochet, et de façon assez universelle : l’histoire du film évoque plus largement une démarche de résistance aux dérives d’un pouvoir politique autoritaire. Un prêtre demande à Carmen d’aider et de soigner un jeune homme qui a été atteint d’une balle dans la jambe. C’est un révolutionnaire recherché par les forces de l’ordre. A l’insu de sa famille, elle va se procurer des médicaments et l’aider à se remettre d’aplomb. Carmen se retrouve à communiquer avec d’autres contestataires d’un réseau de résistance inconnu, et à être mêlée à des affaires clandestines. Un cadavre est retrouvé sur une plage. Elle a peur d’être espionnée… Chili 1976 ne raconte pas frontalement les tortures du pouvoir militaire chilien de l’époque. Son récit est celui d’une femme d’environ 50 ans de ‘bonne famille’, plutôt à l’écart de tout ça et qui justement va peu à peu agir à l’encontre de sa classe sociale.

Une actrice vedette passée derrière la caméra

Le 35ème Festival CinéLatino de Toulouse met en avant une section de films de ‘RéalisActrices‘ : des actrices qui sont devenues réalisatrice de cinéma. C’est le cas Manuela Martelli qui été connue dès ses vingt ans avec en particulier B-Happy de Gonzalo Justiniano (plusieurs prix comme meilleure actrice, un passage par le festival de Berlin), Mon ami Machuca d’Andrés Wood (à la Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes 2004), Navidad de Sebastián Lelio en 2009, ainsi que quelques séries télé. Après avoir écrit et réalisé quelques courts-métrages, elle signe ici son premier long-métrage. Elle avait joué par deux fois face à la comédienne Aline Küppenheim, à qui elle a proposé ici le rôle principal.

Manuela Martelli : « J’ai été en partie inspirée par ma grand-mère maternelle que je n’ai pas connue mais à propos de laquelle dans ma famille on m’a raconté des bribes de différentes choses. Elle était une femme issue d’une famille catholique. Elle a été mariée très jeune et eu trois enfants, ce qui était le schéma prévu pour la plupart des femmes à l’époque. Après avoir élevé ses filles, elle s’est intéressée à la littérature et est rentrée dans une école d’arts, ça a été une ouverture sur un univers un peu en contradiction avec son éducation conformiste. Il y a une sorte de mal-être dont souffraient beaucoup de femmes qui devaient rester dans leur rôle conventionnel. Les dernières années de vie de ma grand-mère ont été les premières années de la dictature au Chili, les années les plus dures avec des répressions et des arrestations. Mon film est comme un dialogue entre l’espace domestique, avec avec la maison et la famille, et l’espace public avec les événements politiques. »

Chili 1976
Réalisation : Manuela Martelli 
Scénario : Manuela Martelli, Alejandra Moffat
Durée : 1h38
Avec Aline Küppenheim, Nicolás Sepúlveda, Hugo Medina, Alejandro Goic Jerez...