Cannes 2023 | Harrison Ford, fordiste du blockbuster

Cannes 2023 | Harrison Ford, fordiste du blockbuster

Direct. Honnête. Franc. Américain. Voilà comment apparait Harrison Ford. Un Gary Cooper à l’ère des blockbusters. Très soucieux de son image, ce pro du star-system choisit son look, ses réalisateurs, ses partenaires. Et arbore un diam’s à l’oreille gauche.

Il a été successivement Han Solo, Indiana Jones, Jack Ryan. Les plus grands héros de notre imaginaire contemporain. Et même un Président des USA qui sait « botter le cul des terroristes« !

Héros qui, par maladresse, choisit toujours le mauvais chemin pour atteindre le bon objectif (une jolie femme, la gloire ou encore un semblant de justice dans ce monde de pourris). Au Box Office, il est sur une voie royale en étant un habitué des Top 5 de l’année. Plus de 8 milliards de dollars de recettes (avec une moyenne de 200 millions de dollars par films). Son nom est en haut de l’affiche d’un hit à 100M$ à chaque décennie depuis les années 1970. 16 hits au total, dont 5 Indiana Jones et 4 Star Wars. Un film avec Harrison Ford c’est un label en soi. Cela valait bien une Palme d’or d’honneur à Cannes en 2023 lors de l’avant-première d’Indiana Jones et le cadran de la destinée. Et ces dernières années, on cadran est au beau fixe.

La force est avec lui

Certes, ses personnages d’Han Solo (chez Lucas) et Indiana Jones (chez Spielberg) lui ont permis d’être l’une des stars les plus populaires de ces cinq dernières décennies. Mais ce serait oublier qu’il a été la tête d’affiche de blockbusters tout aussi notoires que Le fugitif, Air Force One, Apparences, Présummé innocent ou Working Girl. De l’action, du thriller, du drame et de la comédie romantique. Harrison Ford a réussi à s’imposer dans tous les genres. Gentil, héros, victime, méchant, il parvient à imposer sa carrure et un jeu minimaliste dans chacun de ses personnages, qu’il soit en costume, contemporain ou futuriste. En faisant davantage travailler ses méninges que ses muscles, en préférant le sarcasme et les piques spirituelles, il valorise la dérision et la réflexion plutôt que de gonfler les muscles.

Même si, son fameux sourire en coin, il a plus de mal à convaincre en smoking ou pur séducteur. Il échoue dans le romantisme (6 days 7 nights, Sabrina comme le plus combre L’ombre d’un soupçon ne parviennent pas à convaincre le public). Ces trois échecs le poussent d’ailleurs à prendre un agent à la fin des années 1990.

L’homme tranquille

Force est de reconnâitre qu’il a une classe innée, même mal fagoté en cowboy des temps modernes. Il est crédible en toutes circonstances, que ce soit en donnant les coups, ou en s’en prenant plein la gueule (ce qui arrive souvent). Il a su briller en amoureux timoré, en fils de James Bond, en sauveur d’un cauchemar vaudou, en espion de la CIA, en innocent hitchcockien, en flic amoureux, en avocat piégé par sa femme, ou en chirurgien en apparence coupable…

Harrison Ford passe son temps à poursuivre des assaillants, nazis ou terroristes, ou à être traqué par des malveillants, flics ou voyous. Le public aime le Ford qui gagne les cœurs ou le Graal. Celui qui pointe son doigt menaçant vers l’ennemi et qui, flegmatiquement, balance une bonne punch-line dans les pires circonstances. Il est le symbole du cinéma hollywoodien de divertissement et incarne cette industrie, à l’instar de Tom Cruise. Mais ce serait oublié qu’il a aussi varié ses plaisirs avec des rôles d’homme plus tranquille.

Car les cinéphiles lui sont gré d’avoir aussi tenté des chemins de traverse. Dans des films comme Witness de Peter Weir, Frantic de Roman Polanski ou Blade Runner de Ridley Scott, il se montre dur à cuir mais vulnérable, sensible mais introverti. C’est peut-être là qu’il nous plaît le plus. C’est aussi avec ces œuvres d’auteur qu’il a épaissit sa stature d’acteur. Son film favori est paradoxalement un de ses plus gros fiascos: Mosquito Coast, toujours de Peter Weir. Un drame familial et utopique. Ford a envie d’autres choses que de lassos et de chapeaux, de combats avec des singes poilus ou des engueulades avec des supérieurs hiérarchiques… Ses deux films avec Peter Weir sont, de loin, ce qui se rapprochent le plus de lui et de ses goûts.

Mauvaise série

Dans À propos d’Henry, il tente un rôle de composition tragique. Dans Sabrina, il reprend sans sourciller le rôle de Bogart, avec un certain panache. Dans 6 days 7 nights, il s’aligne sur les pas de Montand version Le sauvage. Malheureusement, ces films sont moins convaincants malgré des signatures prestigieuses : Alan J. Pakula, Mike Nichols, Sydney Pollack, ou encore Kathryn Bigelow qui le plonge dans un sous-marin soviétique (K-19)… S’il cherche d’autres territoires, il refuse parfois des scénarios brillants (Syriana) pour des films médiocres dans un système trop occupé à produire des contenus formatés ou réunir des stars sur l’affiche (Ennemis rapprochés avec Brad Pitt). Dans le même temps, il refuse The Perfect Storm (Clooney), The Patriot (Gibson), Proof of Life (Crowe), Traffic (Douglas)… Et après deux succès, il abandonne l’analyste de la CIA Jack Ryan (repris par Affleck).

À partir des années 2000, par paresse ou par manque d’opportunutés, il s’enferme dans un certain type de rôles virilistes et ses films frappent moins les esprits. Commercialement son étoile pâlit. D’abord avec Hollywood Homicide, trop farce, trop peu crédible. Et qui se souvient de Firewall, Droit de passage, Mesures exceptionnelles, Morning Glory, Cowboys et envahisseurs, 42, Paranoia ou La stratégie Ender? Ce que ces films ont en commun, malgré tout, c’est leur éclectisme. Harrison Ford ne s’enferme pas dans un style. Drame social, thriller, comédie romantique, biopic, science-fiction, la star bascule d’un héros ordinaire qui protège sa famille à une figure d’autorité qui s’impose même en second-rôle.

Vieux, usé, fatigué?

À cela s’ajoutent de multiples petites apparitions où il s’amuse avec son image (jusqu’à se perdre complètement dans Expendables 3 pour 10M$). Si en 2008, il n’avait pas retrouvé Indiana Jones pour une aventure anti-communiste en Amérique du sud, son palmarès de 2002 à 2015 aurait été vierge. La soixantaine aura été sa traversée du désert, ou presque. Entre temps, il rencontre sa troisième épouse, l’actrice Calissa Flockhart (Ally McBeal), avec qui il file le parfait amour depuis, loin d’Hollywood.

Harrison Ford ne cherche pas les prix, ni les performances. Il n’a été nommé qu’une seule fois aux Oscars. Mais il a été distingué par un Golden Globe d’honneur (en plus de 4 nominations à cette cérémonie), un César d’honneur, plusieurs People’s Choice Awards. Sa consécration est ailleurs : huit de ses films sont inscrits au National Film Registry, cinq sont dans le Top 100 de l’American Film Institute, et Han Solo et Indiana Jones figurent dans le Top 50 des plus grands héros du cinéma de l’AFI.

Harrison Ford est-il à jamais ce mercenaire de l’espace, un peu rebelle et toujours fidèle, de la saga Star Wars, et cet archéologue aventureux et relativiste de la franchise Indiana Jones?

Le discret

Avouons que lorsqu’il affiche une certaine légèreté feinte dans son jeu (comme dans ses interviews), il fait preuve d’un certain génie à capter l’attention du spectateur. Mais comme il est loin le temps des grands cinéastes qui lui donnaient sa chance. Ce démocrate généreux, croisant Bill Clinton à dîner et au golf et le Dalai Lama (ce qui lui interdit d’aller en Chine), plutôt humaniste et écolo (même si sa passion de l’avion grille son empreinte carbone), a quelques valeurs. Il déteste qu’on exploite les enfants dans des films violents. Il assure le strict minimum syndical côté promo : si le job lui demande de gérer le produit qu’il est comme un pro du marketing, la vie est ailleurs. Un homme simple en quelques sortes. Mais pour être acteur, il faut bien avoir quelques démons? « Je ne pense pas avoir maîtrisé quoi que ce soit. Je suis toujours en lutte avec les mêmes frustrations, les mêmes problèmes, les mêmes difficultés qu’auparavant. C’est ça, la vie. »

Lui dit qu’il aurait rester charpentier… Ca lui aura moins servi à trouver la bonne coupe dans le troisième Indiana Jones, le rendant éternel dans l’esprit de ses fans… Une fois fêté ses 80 ans, il semblerait qu’il n’est pas envie de raccrocher. Conscient de son statut, l’homme discret multiplie les projets.

Pour retrouver les faveurs du public, il accepte de reprendre le personnage d’Han Solo en 2015 dans l’épisode VII, sous l’œil efficace de J.J. Abrams. Quarante ans qu’il n’avait pas joué avec Carrie Fisher et Chewbacca. Han Solo meurt sous nos yeux, tué par son fils. La fin d’une époque. Ford solde aussi son personnage de Rick Deckard dans Blade Runner 2049, réalisé avec somptuosité par Denis Villeneuve. Enfin, dans la lignée de ces épilogues, il accepte une dernière fois d’incarner Indiana Jones, avec James Mangold derrière la caméra. On revoit ainsi, par le trûchement des effets spéciaux, un Indy rajeuni, qui casse du nazi comme au bon vieux temps, avant de suivre son ultime odyssée (en Méditerranée), vielli, mais pas trop usé ni fatigué. Ford assume son âge (en s’en moquant) mais continue de chevaucher dans New York ou de dévaler les rues de Tanger en tuk-tuk. Stetson sur la tête haute et fouet prêt à claquer, il achève quarante ans de tours du monde et d’affrontements aux risques inconsidérés.

Retour à la télévision

L’acteur ralentit cependant le rythme. Avec L’appel de la forêt, épopée écolo-familiale dans le Grand nord, qui a trouvé son public, et bientôt Captain America : Brave New World, incursion dans l’univers Marvel, où il reprend le personnage de Thaddeus Ross (jusque là interprété par feu William Hurt), il choisit des partitions plus convenues et populaires.

Désormais, il réserve ses audaces au petit écran. Dans 1923, la série dérivée de Yellowstone, il trouve une partenaire à sa hauteur avec Helen Mirren, sa partenaire de Mosquito Coast. Patriarche vivant dans le Montana, il impressionne dans ce récit où le couple affronte tous les maux de l’Amérique (prohibition, crise économique, etc….). Il devient aussi récurrent dans une autre série, Shrinking, il épate tout autant en psy atteint de parkinson. Il démontre, que ce soit dans un western dramatique ou une comédie psychologique, qu’il est un sérieux atout (à un million de dollars par épisode) pour donner du relief à des histoires aussi différentes.

Ce qui plaît chez Harrison Ford c’est qu’il aime plaire au public. Peu importe qu’il soit sympathique ou non, du côté des héros ou pas. Son retour au petit écran, pour lequel il a souvent joué les figurants ou les seconds rôles avant son arrivée dans La guerre des étoiles, se fait par la grande porte. Son charisme naturel impose une forme de respect.

Niveau moyen

60 ans après ses débuts, du chemin a été parcouru. Son nom a souvent été non crédité dans ses premiers films. Il a même été coupé au montage dans le Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni. Le début des années 1970 est plus prometteur avec un second rôle dans American Graffiti (déjà George Lucas) et un autre dans Conversation secrète, première Palme d’or de Francis Ford Coppola. Il retrouve Coppola dans Apocalypse Now, sa seconde Palme, pour une scène. Outre ces grands films, et Star Wars, l’acteur est remarqué dans L’ouragan vient de Navarone de Guy Hamilton. Mais qui se souvient de ses autres films comme Campus, Héros, Guerre et Passion ou Le rabbin au Far West (pourtant du grand Robert Aldrich)?

Des débuts compliqués. Sans Lucas, nul ne doute que la carrière d’Harrison Ford n’aurait pas pris cette ampleur. Difficile à croire, mais il a attendu le milieu de trentaine pour être connu du grand public, le début de la quarantaine pour être un acteur de premier plan. Américain judéo-catholique, irlando-biélorusse, fils d’une actrice de radio et d’un directeur publicitaire, il est au croisement de deux cultures, deux religions, et assume complètement ces bipolarités. Classe moyenne, élève moyen. C’est en prenant des cours dramatique à l’Université qu’il trouve enfin sa voie. À 22 ans, il s’envole du Midwest vers Hollywood. Columbia Pictures lui propose un contrat de 100$ par semaine pour des apparitions télévisées. Un accident de voiture qui aurait pu être fatal, et une cicatrice iconique au niveau du menton, il échappe de nouveau à la mort en simulant la folie pour ne pas être envoyé au Viêt Nam. Une position philosophique d’objecteur de conscience qu’il justifiera trente ans plus tard.

Marié, déjà père, il traverse une période de vaches maigres, frustré par les rôles qu’on lui assigne, critiquant la pauvreté des scénarios proposés. Ironiquement, la Columbia rompt son contrat pour manque de charisme. Son arrogance et sa timidité font mauvais ménage. Et même avec des petits rôles dans des séries populaires, il en vient à la conclusion évidente : ce métier n’est pas pour lui. Métier dont il a une idée très précise : « Je suis comme un pompier. Quand je suis appelé en intervention, je veux éteindre un grand incendie, je ne veux pas éteindre un feu dans une benne à ordures. »

Monsieur Bricolage

Son amour du bricolage le pousse alors à devenir charpentier, en se formant lui-même. Menuisier, il accepte de temps en temps quelques rôles. Pas de quoi nourrir une famille désormais élargie, avec un deuxième enfant.

La carrière d’Harrison Ford aurait pu décoller grâce à Jacques Demy et Agnès Varda. Il devient ami du couple et le réalisateur veut lui donner le rôle principal de son premier film américain, Model Shop. Le studio, toujours la Columbia, impose un acteur plus connu, et aujourd’hui oublié, Gary Lockwood. Qui ça? Nulle rancune en tout cas du côté de Ford, qui apparaîtra vingt ans plus tard dans le documentaire de Varda, L’univers de Jacques Demy, et en 2008 dans Les plages d’Agnès.

Mais la roue tourne. En bricolant chez le directeur de casting d’Universal, Fred Roos, celui-ci lui présente un jeune cinéaste, George Lucas, qui l’enrôle aussi pour faire des travaux à son domicile. Leur longue complicité naît alors. Lucas va lui proposer un rôle de fou de vitesse. Enfin un personnage important dans un premier film, qui a les honneurs de la Quinzaine à Cannes. American Graffiti est un joli succès. Les cinéphiles découvrent Ford, avec un chapeau de cow-boy. Un avant groût du mythe se construit.

S’il redevient charpentier pour remplir le frigo, son appétit pour le cinéma revient. Après avoir été artisan dans la maison de Coppola, le voilà dans au casting de The Conversation. Même si ce n’est pas le personnage qu’il souhaitait. Rien ne lui est dû. Même Han Solo a failli lui échapper. A l’origine, il est choisi par le réalisateur pour donner la réplique lors des auditions de Star Wars. Nick Nolte, Al Pacino, Richard Dreyfuss, Kurt Russell ont tous auditionné pour être Solo. Mais Lucas est face à une évidence et fait son choix : il veut un acteur un peu plus âgé que ses autres héros, capable de manier l’humour et le cynisme et doté d’un certain charme. Ford est l’acteur idoine. La Fox accepte que des acteurs inconnus soient en tête d’affiche de la saga. Personne ne se doute que ça va être le carton de la décennie.

Il se la joue solo

Pour l’acteur, c’est un film familial pour lequel il est très bien payé. 650 000 dollars au total. Il est le seul du trio originel à ne pas signer de contrat, afin de ne pas se lier les mains à une franchise. Mais la somme est conséquente, suffisamment pour abandonner rabots et marteaux. Il peut se focaliser sur sa carrière. Son talent pour l’improvisation va faire le reste dans des super productions où il amène le personnage à sa personnalité. On lui écrit une réplique, il en invente une plus percutante. Il doit tourner une longue scène d’action et il la raccourcit avec un certain panache. Lucas le prive d’une fin dramatique dans la première trilogie de La Guerre des étoiles. « C’est un fait peu connu, mais je voulais que Han Solo meure à la fin du Retour du Jedi. Je pensais que cela aurait donné plus de poids et de résonance. Mais George Lucas n’était pas d’accord. Il ne voulait pas que je sois tué par ces gars en peluche. » Il s’émancipe en partie de son mentor en devenant Indiana Jones (Les aventuriers de l’Arche perdue).

Si l’archéologue est une co-invention de Lucas et de Steven Spielberg, c’est bien ce dernier qui choisit Harrison Ford pour jouer le professeur aventurier. Lucas est en effet très réticent, préférant le conserver pour La Guerre des étoiles. Tom Selleck est presenti, mais son contrat pour la série Magnum P.I. l’empêche de se libérer. Spielberg emporte donc le morceau et contraint l’acteur de signer pour trois films. Il en fera cinq sur quatre décennies.

Harrison Ford créé enfin un personnage à sa main. Brave, romantique, drôle, héroïque, audacieux, vulnérable (surtout face à des serpents). Si le tournage est épuisant et non sans risques (l’acteur tient à faire lui-même la plupart de cascades), la sortie du film est un triomphe mondial. Et il reste pour l’acteur son personnage préféré.

La quarantaine rugissante

Finalement, on aime quand il est cynique, un brin désabusé, voire égocentrique. Mais c’est bien parce qu’il cherche toujours la faille et la fragilité de ses personnages, qu’il se détache de l’image du héros invincible qui a le vent en poupe dans l’Amérique reaganienne. En castant Blade Runner, Ridley Scott n’a pas hésité longtemps pour le préférer à Dustin Goffman, Al Pacino ou Burt Reynolds. Certes, le réalisateur et l’acteur ne s’entendent pas et divergent artistiquement. Mais l’acteur, dorénavant, s’engage à fond dans ses projets. Il impose une dimension dramatique et une intensité à son personnage. En Vain. Les producteurs ont un final cut qui dénature le film,. les fans n’aiment pas le rôle de la star. Blade Runner est un échec. La version Director’s cut permettra d’en faire un film culte.

Mais, à 40 ans, sa filmographie est lancée. Il attire les grands cinéastes, multiplie les succès, avec des personnages très divers, et ses cachets deviennent faramineux (en moyenne 20M à 25M$ par films dans les années 1990, 25M$ pour le dernier Indiana Jones, 65M$ au total avec son pourcentage pour Indiana Jones et le Royaume de cristal). « J’ai eu une chance inouïe. Le Harrison de La Guerre des étoiles a eu une sacrée veine de s’être trouvé un emploi, et le « vieux » Ford a de la chance d’avoir duré si longtemps. »

Lui se voit comme un « serviteur de l’histoire« , tandis que Mike Nichols le considère comme la « Ferrari des acteurs« . Il assure qu’il ne fait que son job. Il fuit la célébrité, au point d’aller vivre au fin fond du Wyoming. Et pourtant il met une réelle implication dans ce qu’il entreprend, à la fois exigeant et force de proposition. La passion d’un artisan aimant le travail bien fait, qui confine à un certain perfectionnisme, là où beaucoup voit un simple râleur. Et il insiste : « Je n’ai pas de trouble anxieux social. J’ai une aversion pour les situations ennuyeuses.« 

Simulateur génial

Harrison Ford a cette capacité à rendre un film cohérent, un personnage crédible, sans surjouer ou chercher la performance. Dans la lignée des Gary Cooper, Gregory Peck et James Stewart, il a cette compétence de faire le lien entre la caméra et le public avec des films qui restent parmi les préférés des spectateurs, même des décennies après leur sortie. Il n’est pas seulement nom en lettres majuscules sur des affiches de films à grand spectacle. Il cherche avant tout une bonne histoire et pas un simulacre de jeu vidéo. « Je ne veux pas être une vedette de cinéma. Je veux être dans des films qui sont des stars. »

Il peut aussi être touchant, bouleversant. « Ma méthode d’interprétation relève de l’école du « faire semblant ». Si une émotion réelle est disponible, je l’utilise, sinon je suis ce que je pense être une règle des Alcooliques Anonymes : « Fais semblant jusqu’à ce que tu y arrives ». Les émotions sont un langage intéressant. Parfois, elles vous surprennent quand vous ne vous y attendez pas, lorsque vous y êtes ouverts. » De Blade Runner au Fugitif, il a su élargir sa palette de héros malgré lui dans des fictions beaucoup plus centrés sur la psychologie que sur les exploits.

Son jeu est beaucoup plus varié qu’il n’y paraît, exprimant parfaitement et physiquement ses émotions. Même si on retient avant tout sa nonchalence légendaire et sa perspicacité moqueuse. C’est pour ça qu’on l’aime. Il le sait.