Cannes 2023 | Linda veut du poulet de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach, fable libertaire pleine d’humour et de poésie

Cannes 2023 | Linda veut du poulet de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach, fable libertaire pleine d’humour et de poésie

Ne nous arrêtons ni au titre, un peu littéral, ni aux enjeux du film (minimalistes et presque en décalage avec l’époque) : trouver un poulet vivant pour le tuer dans le but de le manger. Linda veut du poulet est en réalité une fable familiale pleine d’humour et de fantaisie autour du travail de deuil et des familles de substitution que l’on se choisit. Car si la petite Linda est si arc-boutée sur la nécessité de mettre la main sur le précieux volatile, c’est qu’elle rêve de goûter à nouveau la recette favorite de son père, décédé quand elle était toute petite, dans des circonstances que le récit dévoilera peu à peu.

La voilà donc lancée dans une quête éperdue, qui plus est un jour de grève générale vraiment généralisée. Autour d’elle, adultes et enfants s’activent pour lui venir en aide, mais aussi parfois pour lui mettre des bâtons dans les roues, dans une succession de rebondissements, courses-poursuites et autres gags menés tambour battant. C’est également l’occasion de mettre en scène une cité de banlieue loin des clichés, et d’y proposer toute une galerie de personnages cocasses et décalés. Certains d’entre eux, incarnés vocalement par Clotilde Hesme, Laetitia Dosch ou encore Esteban, jouent souvent leur propre partition, entre tonalité burlesque et comique de répétition.

Mais c’est surtout visuellement que le long métrage s’avère une immense réussite, tant le style graphique imaginé par les deux cinéastes contribue à l’identité follement débridée du récit. Il repose principalement sur l’utilisation d’aplats de couleurs vives, qui correspondent chacune à un personnage (jaune pour Linda, orange pour sa mère, bleu pour le policier, etc.) et sur une stylisation du trait (tout est à peine esquissé, avec très peu de détails) qui permet parfois de partir vers une forme d’abstraction, ou tout au moins de minimalisme esthétique extrêmement efficace.

Bien sûr, on aurait aimé que le film se fasse plus engagé, ce qui lui aurait permis d’atteindre un autre niveau de lecture et d’apporter une dimension plus contemporaine. Linda aurait pu remplacer le poulet par bien des ingrédients, sans que cela nuise à la dynamique du film. De la même manière, le mouvement social aurait pu être plus qu’un simple élément de contexte, gentiment moqué par un scénario qui donne l’impression de ne pas trop vouloir se mouiller.

Mais heureusement, il est plus inspiré lorsqu’il laisse libre cours dans sa dernière partie à une joyeuse cacophonie libertaire qui vante la force du collectif, le refus de l’autorité, et le triomphe de l’entraide. C’est un feu d’artifices de facétie, d’humour et même de poésie, le tout relevé avec un petit grain de folie qui fait du bien. On se laisse alors emporter et convaincre par la bonne humeur ambiante et par la générosité de ce feel good movie sans prétention, mais avec beaucoup de talent.

Fiche technique
Linda veut du poulet de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach (2023)
Avec les voix de Clotilde Hesme, Laetitia Dosch, Esteban, Mélinée Leclerc, Patrick Pineau... 1h13
Sortie française : 18 octobre 2023