Cannes 2023 | How to have sex : Molly Maning Walker se confronte à la notion de consentement

Cannes 2023 | How to have sex : Molly Maning Walker se confronte à la notion de consentement

Le titre aurait pu laisser présager un guide pratique à destination des jeunes gens débutants leur vie sexuelle, mais il n’en est rien. C’est à un phénomène sociétal relativement courant que s’attaque la réalisatrice Molly Manning Walker, celui de jeunes Britanniques s’offrant des vacances conçues pour être trash dans des pays peu chers et ensoleillés. En l’occurence, c’est en Grèce que débarquent les trois héroïnes du film, qui viennent célébrer la fin du lycée lors d’un séjour ouvertement dédié à l’alcool et au sexe. Tara, Skye et Em sont des adolescentes classiques, liées par une amitié teintée de rivalité et d’insouciance, qui les amènent à se fixer des défis dont les conséquences les dépassent. Une pression grandissante pèse notamment sur les épaules de Tara : perdre sa virginité à tout prix.

Fort de ce contexte, How to have sex s’attache d’abord à immerger le spectateur avec ses personnages. Cela passe par une répétition presque étourdissante de scènes de fêtes et de soirées, dans lesquelles Molly Manning Walker montre jusqu’à l’indigestion les gestes toujours identiques de beuveries collectives et les corps en mouvement pris dans la masse du groupe. Ce sont ces séquences – filmées dans un caméra épaule quasi systématique – qui font naître la tension à la fois dans le trio de copines et dans le récit. Plus elles prétendent s’amuser, plus leur amusement semble artificiel, leur joie factice, et leur amitié vacillante.

La réalisatrice capte ainsi avec beaucoup d’acuité quelque chose de la jeunesse, de l’époque, et du lien aux autres. Elle aborde surtout la question de la pression sociale, notamment en matière de sexualité, et se confronte sans fard à la notion du consentement et de ses zones grises. Elle poursuit ainsi sur la lancée de son court métrage Good, thanks, you ? (sélectionné à la Semaine de la Critique en 2020), qui suivait une jeune femme tentant de reprendre pied après un viol. La caméra y était déjà douée d’une vie propre, saisissant dans des plans parfois à 360 degrés l’effritement du monde de l’héroïne.

Quoi que tout aussi ténu dans son écriture, le long métrage a l’espace pour développer plus viscéralement les sentiments intimes de son personnage, et accompagne par sa mise en scène le changement brutal qui s’opère en elle. Après la frénésie du début, le récit se pose soudainement lorsque Tara disparaît momentanément après avoir vécu sa première expérience sexuelle, comme lors de ce long plan subjectif qui révèle la ville déserte. Lorsqu’elle réapparaît, l’adolescente se retrouve isolée dans le plan, seule dans le cadre comme elle l’est avec son silence. Tout dans sa gestuelle manifeste sa dérive, sans que quiconque autour d’elle ne soit capable de le comprendre. Mais le spectateur, lui, perçoit son malaise grandissant. Il remarque les plans sur son visage fragmenté, qui reflètent son état intérieur, et son mutisme soudain. Et si l’on ne voit rien de cette première scène de sexe, éludée puis rendue à travers des flashs très courts, on en devine rapidement la teneur, jusqu’à ce qu’elle soit doublée par une seconde scène qui ne laisse elle place à aucun doute.

Le film retranscrit ainsi dans la forme même de sa mise en scène la violence mentale comme physique de ce que traverse le personnage. Comme il nous plongeait dès l’ouverture dans la folle ambiance de ces vacances débridées, il nous fait ressentir de l’intérieur l’état psychique flottant de la jeune fille et les réalités de son traumatisme, ne laissant personne indemne. Malgré tout, refusant de terminer sur une note désespérée, et de risquer de réduire le personnage à ce qu’elle a subi, Molly Manning Walker réaffirme dans une séquence finale probablement un peu didactique, mais extrêmement forte, la puissance indéfectible de la sororité face à la violence exercée par les hommes.

Fiche technique
How to have sex de Molly Manning Walker, 2023
Avec Mia McKenna-Bruce, Samuel Bottomley, Lara Peake... 1h31
Sortie française : 15 novembre 2023