Nyad (Insubmersible) : Annette Bening et Jodie Foster, sexagénaires à fond la forme

Nyad (Insubmersible) : Annette Bening et Jodie Foster, sexagénaires à fond la forme

Nul ne doute que pour leurs performances, les deux vétéranes Annette Bening et Jodie Foster seront mentionnées dans les nominations de la saison des prix à venir. Si Nyad ne se distingue pas par sa mise en scène (hormis les scènes d’hallucinations) ou reprend le sillon balisé d’un récit où la victoire ne fait aucun doute, il vaut largement le détour pour ces deux sexagénaires aux filmographies très opposées.

Annette Bening, 65 ans, deux Golden Globes et quatre nominations aux Oscars, a tourné avec Forman, Frears, Nichols, Levinson, Burton, Jordan, Hazanavicius, ou encore Branagh. Elle a su, au fil de ses 35 ans de carrière, traverser les âges en passant de productions hollywoodiennes au cinéma indépendant, qui lui a donné davantage de beaux rôles…

Jodie Foster, 61 ans, deux Oscars (pour quatre nominations), trois Golden Globes, un Cecil B. De Mille Award, et une Palme d’honneur, a 50 ans de carrière derrière elle. Révélée par Martin Scorsese, l’actrice a navigué dans les univers d’Alan Parker, Adrian Lyne, Claude Chabrol, Dennis Hoper, Jonathan Demme, Woody Allen, Richard Donner, Robert Zemeckis, David Fincher, Jean-Pierre Jeuner, Spike Lee, Neil Jordan, Neil Blomkamp et Kevin Macdonald. Sa force est sans doute d’être multi-casquettes : productrice, réalisatrice, actrice de premier plan comme de seconds-rôles, de cinéma comme de télévision (elle sera bientôt la star de la prochaine saison de True Detective).

Garanti sans botox, mais plein de protéines

Or, si Nyad fonctionne aussi bien c’est parce que leur alchimie opère parfaitement. Ne cherchant pas à cacher leur âge ni leurs rides, les deux comédiennes embrassent pleinement leurs personnages de lesbiennes californiennes. Bening n’hérite pas d’un rôle fondamentalement sympathique avec ce personnage (réel) de Diana Nyad. Obstinée, inconsciente parfois, mal aimable, égocentrée, elle ne vit que pour tenter de réussir là où elle a échoué : la traversée à la nage de Cuba à la Floride soit 165 kilomètres au milieu de requins, méduses et de courants aux humeurs variables. Une histoire vraie, qui ne mentionne jamais les controverses autour des exploits de la nageuse, officiellement non certifiés.

À ses côtés, Foster a le beau (second) rôle, celui de Bonnie Stoll, ancienne joueuse de raquetball, amie et complice de toujours de Nyad. Plus pragamatique, dévouée corps et âmes, plus sociable aussi. Lumineuse (ce qui change de ses récentes incarnations), elle offre un contrepoint plus humain à la machine Bening. Prête à la lâcher comme à se jeter à l’eau pour la « sauver ».

Prêtes à tout

Le film déroule ainsi les étapes (cinq tentatives tout de même) de cette traversée périlleuse et inhumaine. Repousser les limites, défier l’âge et la mort. Entourées d’une équipe haute en couleur (et notamment Rhys Ifans, en navigateur avisé), les deux comédiennes envahissent le film jusqu’à effacer tous ses défauts cinématographiques. Au moins la promesse est tenue : une belle et grande histoire de positivisme et de détermination. Un très beau portrait de femmes à l’esprit pas trop sain dans des corps très sains. Que le cinéma s’empare d’héroïnes modernes de plus de 60 ans ne peut que nous ravir face au jeunisme ambiant. Mieux, que le film valorise le rapport au physique, aux lois de la nature et aux relations humaines dans un monde sédentarisé, urbain et déconnecté, est en soi un beau message. L’acceptation du risque, et de la mort, est ainsi plus importante en soi que la survie dans un environnement conformiste et ennuyeux.

On mesure bien à quel point sans ces deux grandes actrices le film aurait eu moins de saveur. Puisque la fiction l’emporte sur la véracité, on se soucie peu du traitement des faits réels pour se focaliser sur ce « couple » réjouissant et plein de vitalité. On est proprement immergé dans leur histoire, entre la folie d’un exploit impossible et dangereux et l’attachante sororité de leur amitié indéfectible.

Ne serait-ce que pour la « masterclasse » de Bening et Foster, en solo ou en duo, on vous invite à plonger dans ces eaux troubles et tropicales.