Une famille se réunit pendant quelques heures dans la maison du grand-père pour fêter l’anniversaire de Tona, un homme d’une trentaine d’années qui souffre d’une grave maladie. On suit cette journée ponctuée par des manifestations de joie et de tristesse à travers les yeux de Sol, sa fille de sept ans. Un film sensible et émouvant.
Totem est le deuxième long métrage de Lila Avilés après La camarista (La femme de chambre), sorti en 2018, un film qui avait été choisi pour représenter le Mexique aux Oscars. Comme dans La camarista, l’action de Totem se déroule en intérieur, dans un seul lieu, ce qui renforce son caractère intimiste. Sol (Naima Senties) fait partie d’une famille nombreuse de la classe moyenne mexicaine, ni très riche, ni très pauvre, comme on en trouve beaucoup en Amérique latine, avec des oncles, des tantes et des cousins, mais aussi des animaux de compagnie.
Au fil des heures, on voit arriver des membres de la famille, alors que les femmes s’affairent en cuisine pour préparer le dîner d’anniversaire. Parallèlement, on aperçoit le père de Sol, Tona (Mateo Garcia Elizondo), qui reste cloîtré dans sa chambre pour se reposer, afin d’être suffisamment en forme pour la soirée. Sol aimerait le voir, mais on la fait attendre en lui expliquant qu’il ne doit pas se fatiguer. Dans des séquences filmées à hauteur d’enfant, on suit le déroulé de cette journée à travers les yeux de la petite fille, qui ignore précisément ce dont souffre son père, mais qui se doute de la gravité de la situation, tout en gardant sa légèreté d’enfant.
Dans une scène particulièrement cocasse, apportant une petite touche d’humour au film, on découvre une femme, sorte de médium, qui vient dans la maison pour essayer de chasser les mauvaises ondes ou les mauvais esprits. Une présence qui peut être rassurante pour certains membres de la famille, mais énervante pour d’autres qui n’y voient que de la superstition.
« Pour moi, Totem est un mot qui évoque le groupe, la famille, la tribu, et ce aussi bien en Amérique du Nord qu’en Australie. C’est l’objet qui symbolise ce sentiment complexe de se sentir chez soi quelque part », explique Lila Avilés, qui est aussi scénariste et productrice indépendante. Elle a eu l’idée de ce film alors qu’elle venait de devenir mère. Elle donne ainsi le rôle central à Sol, mais aussi à sa petite cousine qui déborde de spontanéité. « Je voulais que les filles incarnent cette joie, ce sentiment de légèreté. Et leur liberté d’esprit a contaminé toute l’équipe », souligne la réalisatrice, qui a passé beaucoup de temps pour choisir les acteurs, notamment les enfants qui ne sont pas des professionnels.
Le résultat est réussi, notamment pour Naima Senties, dont c’est le premier rôle au cinéma. Elle incarne avec brio Sol, une petite fille de sept ans qui laisse percevoir une maturité étonnante.
Avec Totem, qui a obtenu le prix du jury œcuménique au Festival de Berlin en 2023, Lila Avilés nous livre un touchant portrait de famille où se succèdent des moments de bonheur et d’abattement. On sent beaucoup d’amour entre les membres de cette famille, mais il y a aussi des tensions qui s’exacerbent à certains moments de la journée. Puis, une fois les préparatifs terminés, c’est l’heure de la fête…
La qualité du film tient surtout dans l’interprétation très juste des acteurs, adultes et enfants. On est capté par ces scènes de la vie quotidienne, très réalistes, annonciatrices d’une fin tragique pour le père, mais où chacun s’efforce, au moins pour l’apparence, de rester optimiste.
Pierre-Yves Roger
Fiche technique
Totem de Lila Avilés (2023), 1h35
Sortie française : 30 octobre 2024
Avec Naíma Sentíes, Montserrat Marañon, Marisol Gasé