Cannes 2024 | Matthew Rankin parle la langue universelle du cinéma

Cannes 2024 | Matthew Rankin parle la langue universelle du cinéma

Matthew quitte Montréal où il a travaillé toute sa vie pour retourner à Winnipeg où il est né. L’espace-temps paraît alors bouleversé et tout le monde parle persan dans la métropole canadienne. Dans ce conte d’hiver, les rencontres de Matthew avec deux enfants espiègles, un enseignant colérique et un guide touristique plus motivé que doué, vont le mettre sur le chemin d’une quête intime et délicieusement absurde.

Si Une langue universelle est le premier long-métrage de Matthew Rankin à bénéficier d’une sortie dans les salles françaises, le réalisateur n’est plus un inconnu depuis longtemps. Révélé avec des courts métrages d’animation qui remettent au goût du jour les codes du cinéma muet et de l’avant-garde, à l’image de Mynarski chute mortelle (2014) et de Tesla lumière mondiale (2019), le cinéaste canadien a déjà eu les honneurs d’une sélection à la Berlinale avec son premier long métrage Le XXe siècle en 2020. Restant dans la veine « historique » de son cinéma (Mynarski racontait les derniers instants de la vie du héros de guerre du même nom et Tesla retraçait quelques épisodes de la vie du célèbre scientifique), il y faisait un portrait très fictionnalisé (et irrévérencieux) de l’ancien premier ministre canadien William Lyon Mackenzie King.

Changement de registre avec ce nouveau film à la tonalité beaucoup plus personnelle et intime qui se déroule dans la ville dont est originaire Matthew Rankin (Winnipeg) et dans lequel il se met lui-même en scène dans une quête absurde et mélancolique pour rendre visite à sa mère malade qu’il n’a pas vue depuis trop longtemps. Le chemin du protagoniste est évidemment semé d’embûches, ou tout au moins de contretemps, qui l’amènent à se perdre dans les rues de la capitale du Manitoba, où étonnamment, tout le monde parle persan. Il croise alors différents personnages aux prises avec leurs propres préoccupations, sources de situations décalées et d’une forme d’humour burlesque extrêmement contemporain qui est la marque de fabrique du réalisateur. 

Comédie lunaire

Cet aspect choral permet au récit d’avancer masqué, et de surprendre le spectateur à chaque scène. Ne martelant jamais son propos de manière voyante, il construit avec patience et délicatesse un univers sans cesse inattendu, qui sous ses airs familiers, et même parfois terre-à-terre, nous donne l’impression de nous embarquer dans un monde parallèle où seraient accentués tous les travers et absurdités de nos contemporains, le tout porté par une mise en scène ultra élégante qui travaille les plans larges et la durée.

On se laisse alors porter par la fantaisie poétique de Matthew Rankin, qui réinvente avec gourmandise la comédie lunaire, et porte sur son milieu d’origine un regard joliment satirique. Il fait d’ailleurs plus que ça puisqu’en cours de film, l’ironie loufoque du début laisse peu à peu la place à un mélange de spleen doux-amer et de mélancolie nostalgique qui vient cueillir le spectateur par surprise. Le cinéaste parvient alors à relier avec virtuosité les éléments disparates de son récit pour atteindre un climax émotionnel aussi cohérent que bouleversant.

Fiche technique
Une langue universelle de Matthew Rankin (2024)
Avec Rojina Esmaeili, Saba Vahedyousefi, Mani Soleymanlou, Matthew Rankin, Pirouz Nemati... 1h29
Sortie française : 18 décembre 2024
Distribution : Météore Films