La famille de Jake Sully et Neytiri est encore aux prises avec le chagrin causé par la mort de Neteyam. Ils rencontrent une nouvelle tribu Na’vi agressive, le Peuple des cendres, menée par la fougueuse Varang, tandis que le conflit sur Pandora s’intensifie.
La saga Avatar se prolonge avec un troisième opus (deux autres sont prévus sans être certains d’être financés). Après, la terre, l’eau, voici le feu. Les cinq éléments ne sont pas loin.
Depuis Star Wars, aucune fresque SF originale n’a été aussi populaire. De quoi compenser la baisse de fréquentation des salles de cinéma dans le monde à l’approche de la fin d’année. James Cameron tient sa promesse : l’univers de Pandora s’enrichit de nouveaux personnages (notamment à travers une tribu collaborationniste), le film est spectaculaire, épique, visuellement virtuose. Un vrai jeu vidéo cinématographique, à la différence que l’immersif (en 3D étincelante) n’est pas interactif.
Le feu de la haine et la cendre du chagrin, voilà pour le thème de cet Avatar plus amer, plus colérique et plus guerrier que les précédents. On a quitté les Schtroumpfs géants dans leur exil au bord de l’eau, et la mort d’un des héros. On y revient, avec le sentiment que rien ne sera plus vraiment comme avant. Le fils est mort. Le deuil (impossible) tourmente la famille. L’autorité parentale est mise à mal. Et pendant ce temps les terriens (des aliens selon les pandoriens) s’acharnent à vouloir coloniser coûte que coûte cette planète, tout en exploitant sauvagement ses ressources.

On peut reprocher beaucoup de chose au plus hollywoodien des cinéastes canadiens, mais pas celui d’être constant depuis ses débuts : une critique démasquée du capitalisme, une diatribe sur le colonialisme, une défense assumée de l’environnement et des espèces vivantes (des fonds marins à la biodiversité), un respect bienveillant pour les cultures autochtones, un pacifisme pragmatique (ce qui lui évite d’être niais). Jusqu’à cet environnement aquatique qu’il explore depuis 35 ans avec Abysse.
Binarité
Outre un sens du tempo remarquable, qui permet à ses films de ne jamais s’alanguir, James Cameron est un conteur (visuel et narratif), ce qui le rapproche de Spielberg et Lucas. Il prend le temps d’installer son récit, de multiplier les enjeux de chacun des personnages, d’entremêler les contradictions, les dilemmes et les décisions (raisonnées, impulsives, ou intuitives) pour nous embraquer dans une grande aventure humaniste pas trop binaire.

Mais ce qu’on reprochait au deuxième Avatar se reproduit malgré tout dans ce nouvel opus : le scénario est très conformiste, et sa construction hyper prévisible. Si bien que l’effet de surprise est rare, tout comme l’impression de déjà vu assez prégnante. Là se trouve peut-être les racines du problème. À trop être fédérateur et consensuel, Cameron s’empêche toute transcendance. Alors que cette année, des films comme Sirat, L’agent secret, House of Dynamite (de son ex Kathryn Bigelow), Bugonia ou Mickey 17 proposaient de véritables disruptions d’écriture et de genre, osant l’inattendu et les ruptures de conventions, Cameron s’en tient à un cinéma très classique, dépourvu d’audaces, et même assez binaire (les combats sont séparés par sexes : hommes vs hommes, femmes vs femmes). Toujours dans cette veine assez académique, on peut y reconnaître la trame de grands westerns d’antan (en prenant le point de vue des Amérindiens).
« Ils veulent dégommer tout le monde et ramener des scalps. »
Il serait temps qu’Hollywood intègre de nouvelles manières de nous raconter l’époque, l’humain et tout simplement de nous offrir un cinéma moins calibré pour tous les publics. Il suffit de voir cette scène (cruelle de prime abord) où Jake Scully (Sam Worthington) doit sacrifier l’un des protagonistes les plus attachants et singuliers de la saga pour comprendre à quel point Cameron n’ose pas être transgressif. Tout est fait pour manipuler le spectateur, qui sait pertinemment qu’une option B sauvera le jeune homme d’une mort annoncée (« on trouvera un autre moyen »).

Banalité
De même le « grande finale » (en italien dans le texte) est une succession de victoires et de défaites, d’espoirs et d’impasses, dont on connait à l’avance le déroulé (quand tout semble perdu, un miracle survient, toujours). On notera d’ailleurs qu’il y a un côté très Avengers dans la construction de cet épilogue.
Cela ne retire rien au plaisir réel d’être de nouveau sur Pandora. Très efficace, techniquement impressionnant, Avatar : de feu et de cendres propose quelques séquences fabuleuses. La première grande attaque surgit tardivement mais s’avère sans fin, croisant l’univers de Dragons et celui du King Kong de Peter Jackson, et même James Bond avec cette battle dans un huis-clos militarisé surdimensionnée et technophile, avec quelques gros calamars et cétacés en bonus. Quand c’est peut-être fini, il y en a encore. Une spirale en roue libre.

Si le scénario est peu inventif, les décors comme l’arrivée de Varang (Oonan Chaplin), cheffe d’une tribu renégat qui collabore avec l’ennemi, captent notre attention. De même l’évolution des personnages secondaires, principalement les jeunes, qui font de l’ombre au couple Scully-Ney’tiri (Zoe Saldana), démontrent que la franchise a un potentiel à développer si les deux films suivants sont réalisés.
« Viens petit bonhomme »
Car c’est peut-être là qu’Avatar devient intéressant : dans sa vision de la famille. Le réalisateur profite du chaos pour que chaque destin trouve sa place. La famille – une forteresse pas imprenable – n’est plus celle du sang mais bien celle qu’on recompose au fil des épreuves et des affinités. Tout se métisse dans ce récit qui confronte chacun à son identité (et à sa quête). Entre culpabalité, rivalité, rancune et esprits confus, personne ne va vraiment très bien mentalement. Jusqu’à ce climax bienvenu : On ne choisit peut-être pas sa famille, mais il faut choisir son papa… Et là tout sera dans un simple regard.
Bémol
Tandis que les adultes se reconstruisent, les jeunes apprennent à grandir, et à s’émanciper. Le lien entre ces deux générations est fait par le personnage de Kiri, clone ado de la défunte Dr Grace Augustine. Toujours juste, et bluffante, Sigourney Weaver, qui incarne les deux personnages dans la trilogie, réintroduit une dimension spirituelle dans le film. Une héroïne rafraîchissante qui nous rappelle quelques jeunes filles des films d’Hayao Miyazaki. C’est aussi elle qui insuffle les plus belles émotions du film.

Car si les effets spéciaux sont à couper le souffle, avec son esthétique de jeu vidéo, il manque un petit quelque chose pour être réellement en apnée jusqu’à nous toucher pleinement. La sauvagerie parait presque lisse, les stratégies et tactiques rabâchées. L’intrigue et les enjeux éculés nous laissent un peu à l’écart pour que nous soyons bouleversés par quelques malheureux sorts. La carence en humour n’aide pas (hormis cette réplique : « Tu as un doctorat, tu devrais y arriver »).
Là encore ce sont les jeunes protagonistes qui suscitent et réveillent l’intérêt. Ils font vivre cette histoire avec davantage d’incarnation. À défaut de créativité dans la psychologie, ils amènent un peu d’imprévisibilité (notamment Spider, interprété par Jake Champion, très bon). Tout cela rappelle – et c’est un compliment – l’apport des gamins dans Les indestructibles (autre référence invisible du film).
Une saga familiale dans tous les sens du termes, avec, en arrière-plan, les grandes obsessions de notre siècle (politique, écologique, sociale). Ambitieux et propre, cet Avatar. Même si une chose est certaine : à un moment donné, la nature nous rattrape et au milieu des trois heures et quart, le spectateur est comme Spider, qui a « une de ces envies de pisser ».
Avatar : de feu et de cendres
3h15
En salles le 17 décembre 2025
Réalisation : James Cameron
Scénario : James Cameron, Josh Friedman, Rick Jaffa, Shane Salerno et Amanda Silver
Image : Russell Carpenter
Musique : Simon Franglen
Distribution : The Walt Disney Company France
Avec Sam Worthington, Zoe Saldaña, Sigourney Weaver, Britain Dalton, Jack Champion, Stephen Lang, Kate Winslet, Oona Chaplin...
