Cannes 2022 | Le Petit Nicolas d’Amandine Fredon et Benjamin Massoubre, charmant mais inégal

Cannes 2022 | Le Petit Nicolas d’Amandine Fredon et Benjamin Massoubre, charmant mais inégal

Le Petit Nicolas avait déjà connu l’avanie d’adaptations niaiseuses en prise de vue continue, et l’on était clairement en droit de se demander s’il était bien utile d’en rajouter avec une version animée (qui plus est sous-titrée « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? ») consistant à faire bouger les si formidables dessins de Sempé. La genèse du projet (c’était à l’origine un documentaire d’archives sur la vie des deux créateurs) et la présence au scénario d’Anne Goscinny, grande dépositaire de la mémoire et de l’œuvre de son père, nous avaient un peu rassurés. Le  projet, faire dialoguer le personnage avec ses créateurs, en gardant l’esprit d’origine, était également assez séduisant sur le papier. 

Et il faut reconnaître qu’Amandine Fredon et Benjamin Massoubre ont réussi à faire s’incarner à l’écran une partie du charme des ouvrages, quelque chose de la petite musique originale de Sempé et Goscinny. Cela passe, curieusement, moins par l’adaptation des histoires (tronquées, et souvent affadies par rapport à l’ironie de départ) que par les idées visuelles qui sont à leur service. Il y a notamment les bulles de pensées qui apportent un contrepoint malicieux aux situations, ou la manière dont les lieux et les personnages naissent littéralement sous le crayon de Sempé, et devant nos yeux émerveillés.

C’est d’ailleurs clairement dans la genèse de l’univers du Petit Nicolas, et dans les interactions entre ses deux auteurs, que réside le principal intérêt du film. Même si les voix (celles d’Alain Chabat et Laurent Lafitte) jouent souvent la bonhomie et la jovialité forcées (« Je pense qu’on va bien rigoler » insistent-ils lourdement en début de film), il y a beaucoup de tendresse et d’humour dans les séquences qui mettent en scène Sempé et Goscinny avec leur personnage ou reviennent sur des éléments marquants de leur vie.

Mais peut-être parce que le film parvient à ménager ces petits moments de grâce quand il traite de la « réalité », il parvient moins à convaincre dans son adaptation parfois laborieuse de l’oeuvre elle-même. Comme s’ils n’avaient pu s’empêcher de sacrifier à la frénésie ambiante dans le cinéma d’animation jeune public, Amandine Fredon et Benjamin Massoubre maintiennent un rythme effréné dans la narration, couplé avec une musique tonitruante qui noie toute subtilité. On a par moments l’impression d’assister à une version accélérée des célèbres « histoires » du Petit Nicolas, réduites à des bribes survoltées et mal dégrossies.

Ce déséquilibre vient probablement du coeur-même du projet, ce difficile grand écart entre l’aspect biopic qui s’adresse plutôt aux adultes et l’adaptation des histoires qui cherche en priorité à séduire le jeune public – et se sent obligée de le faire comme ça. Cela ne retire rien au plaisir un peu régressif que l’on éprouvera devant le film, comme devant un joli objet au charme déjà un peu suranné.