Nouvelle donne : le premier long métrage survitaminé de Joachim Trier ressort en salles

Nouvelle donne : le premier long métrage survitaminé de Joachim Trier ressort en salles

En 2008, on découvrait le premier long métrage prometteur de Joachim Trier, co-écrit avec Eskil Vogt : Nouvelle donne. Un film à la forme libre et à l’insolence des premières fois, suivant deux amis d’enfance qui voient leur amitié mise à mal par leur désir commun de devenir écrivain. On retrouvait, déjà, Anders Danielsen Lie, l’acteur fétiche de Trier, dans l’un des rôles principaux, ainsi que certains traits caractéristiques de son cinéma, à commencer par ce mélange d’ironie et de mélancolie qui baignent les deux autres volets de sa « trilogie d’Oslo » (Oslo 31 août, Julie (en 12 chapitres).

A l’occasion de la sortie de Julie (en 12 chapitres), la société Malavida, qui avait distribué Nouvelle donne en 2008, a décidé de le ressortir sur les écrans français. L’occasion de se confronter à nouveau avec ce coup d’essai qui, à l’époque, nous avait forte impression.

C’est évidemment à l’aune de ses oeuvres suivantes que l’on redécouvre ce film bourré d’énergie et, chose encore plus précieuse, d’envie de cinéma, qui embrasse une construction éclatée pour mieux raconter les possibles et les impossibles qui se téléscopent dans l’existence d’une bande de jeunes hommes encore mal dégrossis et qui se cherchent un destin. L’utilisation d’un narrateur omniscient, qui a parfois recours au conditionnel pour faire le récit des péripéties vécues par les personnages, apporte à la fois une immense vivacité au film et une double lecture éminemment drôle. Tout cela, peut-être, n’est que le fantasme d’un des protagonistes… A moins qu’il ne s’agisse d’un roman en train de s’écrire.

« La frénésie et la liberté des premières vingt minutes insufflent à Nouvelle donne une dynamique suffisante pour en faire un film extrêmement contemporain, générationnel comme l’était Trainspotting et ses réflexions sur la vie, l’avenir, l’aliénation de notre monde moderne. Son utilisation de la musique punk-rock et de la littérature auto-fictionnelle comme référents culturels universels renforce cette sensation d’assister à l’éclosion d’une œuvre très ancrée dans son époque« , écrivions-nous en 2008. A peine plus de 12 années plus tard, Joachim Trier est devenu une voix importante du cinéma contemporain, et son co-auteur Eskil Vogt fait le tour du monde des festivals avec son long métrage Les Innocents, sélectionné à Un Certain regard cette année.

Nous avions eu, à l’occasion de la sortie française de Nouvelle donne, l’occasion de nous entretenir avec ce duo de choc du cinéma norvégien, et notamment de revenir sur la genèse de Nouvelle donne. « Nous sommes amis de longue date et nous avons toujours été intéressés par le cinéma » expliquait alors Joachim Trier. « On a eu envie de travailler ensemble. Eskil est parti étudier à Paris et moi à Londres, et finalement nous nous sommes retrouvés pour écrire un polar qui se déroulerait en Angleterre… Peu à peu, on en a eu marre. D’autres idées sont venues. On voulait notamment mélanger mélancolie et humour. En plus, cela avait trait à des lieux et des personnes spécifiques à Oslo. Il y avait une mélancolie et une nostalgie à l’égard de cette ville que nous avons tous les deux quittée… On s’est rendu compte qu’il nous fallait absolument tourner en Norvège, et tout ça réuni a donné Nouvelle donne ! »

Sur la même longueur d’ondes, Eskil Vogt confirmait qu’ils avaient eu beaucoup d’idées pour ce film : « D’ailleurs, on nous a reproché d’en avoir trop… Le premier brouillon faisait plus de 200 pages : on voulait tout y mettre! En comptant une minute de film par page , c’était trop long! C’est pourquoi la première séquence est construite ainsi, comme un signal pour prévenir les spectateurs qu’il y a beaucoup de choses à appréhender mais que ce n’est pas grave s’ils en perdent des morceaux ou ne comprennent pas tout du premier coup ! »

« L’esprit était de toute façon à l’excès ! » concluait alors Joachim Trier. « J’en ai marre de ces gens qui sont intimidés par le fait de faire un film… J’ai envie de leur dire de se mettre au travail et de ne pas toujours chercher à être trop parfaits. C’est aussi de cela que parle le film : soyez vous-même et trouvez votre identité ! »

Un conseil que les deux réalisateurs se sont vraisemblablement appliqués à eux-mêmes, et qui viennent expliquer l’aspect parfois un peu brouillon de Nouvelle donne, à commencer par des personnages souvent outrés, et des effets de style répétitifs. Qu’importe, on voit rétrospectivement le film comme une forme de manifeste, destiné à poser les jalons d’un cinéma contemporain qui ne prétend pas transfigurer le monde, mais propose un portait souvent sensible (quoi que jamais dépourvu d’auto-dérision) d’individus un peu paumés, effrayés à l’idée de passer à côté de leur vie, et en cela terriblement humains.

Fiche technique
Nouvelle donne de Joachim Trier (2006, Norvège)
Avec Anders Danielsen Lie, Espen Klouman Høiner, Viktoria Winge...
Reprise dans les salles françaises : 20 octobre 2021
A consulter : l'intégralité de l'interview réalisée en 2008