Cannes 2022 | L’animation cherche sa place

Cannes 2022 | L’animation cherche sa place

On cherche un peu (beaucoup) l’animation sur la Croisette cette année. Sauf grosse surprise, un seul long métrage à l’officielle (Le Petit Nicolas d’Amandine Fredon et Benjamin Massoubre, en séance spéciale), un autre (hybride) à la Semaine de la critique (Tout le monde aime Jeanne de Céline Devaux, également en séance spéciale) et un documentaire d’archives avec « une série d’images abstraites et surréalistes » (Moonage daydream de Brett Morgen). C’est un peu plus glorieux du côté du court métrage, avec une petite dizaine de films (dont 3 à la Cinef’ et 3 à la Semaine de la Critique), mais sans effacer l’impression d’un drôle de message envoyé à un secteur qui, par ailleurs, n’a jamais semblé aussi florissant, surtout en France.

En témoignent les 100 longs métrages reçus par le festival d’Annecy, dont certains parmi la vingtaine de titres en compétition (officielle et Contrechamp) étaient pourtant largement pressentis sur la Croisette. On pense, au hasard, à l’adaptation de nouvelles de Murakami par Pierre Foldès (Saules aveugles, femme endormie) qui aurait été du plus bel effet un an après le succès de Drive my car, autre adaptation de l’écrivain japonais, au très attendu deuxième long métrage d’Alberto Vazquez (Unicorn wars) qui sur le papier était destiné à une séance de minuit, ou au tout aussi attendu deuxième long d’Alain Ughetto, Interdit aux chiens et aux Italiens, qui revisite avec humour les souvenirs d’enfance du réalisateur. 

Le Petit Nicolas d’Amandine Fredon et Benjamin Massoubre

Il est toujours compliqué de commenter les choix des comités de sélection. Deux observations malgré tout : s’il est fréquent que les films animés se glissent une place en shortlist, ils semblent plus souvent se retrouver écartés lors du choix final, peut-être avec l’idée qu’ils seraient moins « nécessaires » à montrer, et leurs auteurs peut-être moins urgents à « découvrir ». A l’heure où les sélections s’enorgueillissent d’être le plus diversifiées possibles, la question de l’animation (et c’est souvent la même chose pour le documentaire) se pose moins que celle des zones géographiques et des profils des cinéastes. Le monde de l’animation peut parfois se sentir un peu floué, si ce n’est méprisé.

D’autant qu’une sélection, on le sait bien, ne peut jamais prétendre à une forme d’excellence, c’est-à-dire s’abriter derrière la seule « qualité » (subjective) des oeuvres pour justifier l’absence de tout film animé, sans tenir compte de l’intérêt qu’elles peuvent avoir par ailleurs (zone géographique, approche singulière, sujet fort, audace formelle, révélation d’un nouvel auteur…) Et même si c’était le cas, faudrait-il comprendre qu’aucun des longs métrages animés de l’année n’était assez « bon » pour la sélection ?

Lollipop de Lisa Marie Russo

On le sait, quand il s’agit de rajouter des séances spéciales, la sélection officielle n’a jamais été avare (10 séances cette année). Difficile, donc, de ne pas voir un choix délibéré dans cette quasi absence de représentation. Ou peut-être, et sans doute est-ce pire, une certaine nonchalance vis-à-vis d’une cinématographie jugée comme accessoire ? On aimerait se tromper, mais l’histoire-même de Cannes est parsemée de films d’animation qui n’ont pas été montrés, à commencer par ceux d’Hayao Miyazaki.

Or, à la longue, il peut apparaître comme une véritable faute de programmation de ne pas se faire l’écho des innovations et recherches qui parcourent le monde de l’animation, notamment ces dix dernières années. Et il devient bien voyant que le seul lieu où le format animé trouve annuellement sa place sur la Croisette est le programme Annecy goes to Cannes, animé par le festival d’Annecy en partenariat avec le Marché du Film. Un espace dédié qui ne peut que réjouir les amateurs d’animation, mais ne doit pas pour autant devenir un « ghetto », ni exonérer les équipes de sélection d’être attentifs par ailleurs à la forme animée.

Quoi qu’il en soit, en attendant une année plus faste, les professionnels du secteur se donnent donc rendez-vous au Marché du Film le 22 mai pour le Animation Day 2022 et la présentation de 5 longs métrages en work-in-progress qui viendront réaffirmer la vitalité et la richesse des propositions contemporaines : When Adam changes de Joël Vaudreuil, Mavka, The Forest song d’Oleg Malamuzh et Oleksandra Ruban, Lollipop de Lisa Marie Russo, Epiphania de Jan Kounen et With Closed Fists de Zoltan Horvath, Jean-Jacques Kahn et Franck van Leeuwen.