Michelle Yeoh, Hong Kong Star devenue Lady Oscar

Michelle Yeoh, Hong Kong Star devenue Lady Oscar

D’origine chinoise mais malaysienne, Michelle Yeoh a longtemps été considérée comme l’une des actrices les plus performantes dans le cinéma d’action. Ce qui lui a valu le titre d’actrice asiatique la mieux payée au monde depuis les années 1990.

À plus de 60 ans, et 40 ans après son titre de Miss Malaysia, Yeoh Choo-Kheng, son nom de naissance, est la première comédienne asiatique sacrée par un Oscar pour un rôle principal, grâce à la comédie dramatique et SF, Everything Everywhere All At Once. Retour sur un parcours hors norme d’une comédienne qui voulait être danseuse, a brillé dans les arts martiaux avant de conquérir le monde face aux préjugés racistes, sexistes et âgistes.

Everything Everywhere All At Once

Si sa féminité et sa beauté lui donnent l’allure d’une héroïne romanesque, c’est l’improbable « sagesse » d’une femme émancipée et lucide, sa détermination, sa capacité à ne pas mâcher ses mots et sa fculté à se battre « comme un homme ») » qui produisent un alliage rare et convoité pour tout cinéaste cherchant une femme sensible et puissante, pouvant être cassante ou séduisante. Connue des magazines de mode pour sa plastique, des magazines people grâce à sa relation avec l’ancien patron de Ferrari, Jean Todt, Michelle Yeoh a surtout engrangé des fans grâce à sa technique de jambe en l’air (qui castagne) et d’agilité voltigeuse dans des combats de kung-fu.

Méthode agile

Remarquée après avoir été élue Miss Malaysie à 21 ans, elle est recrutée pour faire face à Jackie Chan, dans une publicité pour des montres. À l’origine, elle souhaitait être danseuse, ce qui lui a permis d’apprendre la rigueur et la souplesse. Mais un accident impactant son dos a mis fin à ce rêve. Sportive (squash, natation, plongée), éduquée dans un couvent anglophone, puis à Londres où elle a intégré la Royal Ballet School, elle s’oriente alors vers la comédie. « Ma mère est une très grande cinéphile, donc enfant, on regardait beaucoup de films indiens et malais. »

Michelle Yeoh migre alors vers Hong Kong (encore britannique à l’époque), où elle découvre le monde des arts martiaux, sa nouvelle passion. Elle y met toute son énergie afin d’apprendre les techniques de kung-fu.

Yes, Madam

Dès 1985, elle décroche des premiers rôles, cheveux courts, presque garçon manqué, dans des films d’action comme My Lucky Stars 2 de Sammo Hung, Yes, Madam de Corey Yuen. Avec une autre star montante, Chow Yun-Fat, elle signe un contrat exclusif la liant à D&B Groupe, dirigée par son futur mari, Dickson Poon, qui produit ses deux films suivants, Royal Warriors (première nomination aux Hong Kong Film Awards, catégorie espoir) et Magnificent Warriors de David Cheung. On la découvre acrobate et cascadeuse (sans doublures). « C’est tellement important pour moi de faire mes propres cascades. Le sentiment d’accomplissement est tellement immense. Mais les studios ne veulent pas prendre de risque.« 

Elle est encore Michelle Kahn. Mais, après Le casse du siècle de Stephen Shin, en 1987, elle interrompt sa carrière, avec l’objectif de vouloir des enfants. Etoile filante?

Jackie et Michelle

Parfois, la vie n’est pas comme une boîte de chocolats. Michelle Kahn, très attachée à la famille, ne peut pas avoir d’enfants. Après cinq ans de mariage, elle divorce et revient au cinéma, en reprenant son patronyme, Michelle Yeoh. La première renaissance.

Elle retrouve Jackie Chan, pour Police Story 3 : Supercop, de Stanley Tong, saga ultrapopulaire. Déjà Yeoh exige l’égalité avec son partenaire. « Jackie et moi sommes de très bons amis. (Mais) il croit toujours que les femmes devraient rester à la maison, cuisiner, ne rien faire et, dans le cinéma, être la victime. « Sauf pour Michelle maintenant« , a-t-il dit, parce quil sait que je lui botterais les fesses. »

Grand bien lui fasse : le film est un énorme carton. Elle enrôle un nouvel agent, Terence Chang, dont la mission est d’exporter les stars de Hong Kong à Hollywood. Parmi ses clients, un certain John Woo et son ami Chow Yun-fat.

Michelle Yeoh réussit si bien son retour qu’elle sera l’unique star du quatrième Police Story, Supercop 2. Seule femme dans sa catégorie, elle est enrôlée pour élargir le public local. En 1993, elle côtoie Jet Li dans le culte Tai-chi Master, de Yuen Woo-ping, qui la choisit aussi pour son film Wing Chun (avec Donnie Yen). Elle est d’ailleurs fidèle à deux autres cinéastes dans ces années là, tournant frénétiquement plus de quatre films par an : Johnnie To (The Heroic Trio et Executioners, tous deux avec Maggie Cheung, Damian Lau et Anita Mui) et Chu Yin-ping (Butterfly and Sword, avec Tony Leung Chiu-wai et Donnie Yen, et Shaolin Popey 2). Autant dire qu’elle croise le gratin du cinéma hongkongais, qui, à l’époque, n’était pas encore anobli par la critique. Fin 1994, un peu lasse, elle achève son cycle de polars à castagne avec Wonder Seven de Ching Siu-tung. « Certains des films d’arts martiaux n’ont comme motivation que les arts martiaux. Ce sont des film visuels et commerciaux, pour enchaîner les cascades, sans grand chose d’autre. Le développement du personnage devient une chose secondaire.« 

The Heroic Trio

Aussi, elle change de registre, progressivement. Pour commencer, avec The Stunt Woman, de l’immense réalisatrice Ann Hui, où elle incarne une femme qui devient cascadeuse au cinéma sous les ordres de Tung, dans un milieu infiltré par les triades. Un registre où elle mêle pour la première fois drame et action. Puis, elle assume le drame historique et romanesque avec Les Sœurs Soong de Mabel Cheung, aux côtés de Maggie Cheung et Vivian Wu. Le film lui vaut sa deuxième nomination aux Hong Kong Film Awards. On est en 1997.

Fight club

Entre temps, Michelle Yeoh a accepté sa première production anglophone. Dans son élan de diversité, la production du nouveau James Bond la repère et la trouve idéale pour être une James Bond Girl d’un nouveau genre : égale à 007, douée aux combats, et asiatique (le scénario de Demain ne meurt jamais se déroulant en mer de Chine et au Vietnam). « Je me suis toujours considéré comme James Bond » avoue-t-elle.

À la foix sexy et crédible dans les scènes d’action, femme mature et indépendante, Yeoh transforme l’image de la jeune femme en détresse murmurant des mots doux sur l’oreiller après avoir succombé facilement aux charmes de l’espion britannique. L’actrice s’impose dans un rôle féministe, smart et taquine, volant parfois la vedette au héros, interprété par un Pierce Brosnan pas encore déconstruit mais pas mal déstabilisé. « À partir du moment où nos personnages se voient, il y a une méfiance et une reconnaissance : cette personne n’est pas celle qu’elle semble être. » Le film récolte 340M$ dans le monde et vaut à Yeoh une nomination aux MTV Awards pour le meilleur combat.

Ce n’est pas parce qu’elle a désormais les cheveux longs (sa mère déteste quand elle les coupe) qu’elle en oublie le féminisme qui habite chacun de ses rôles. Michelle Yeoh, forte de sa notoriété mondiale, sait être patiente et refuse qu’on la cantonne dans un stéréotype. En dehors d’un caméo réussi dans le troublant Moonlight Express (avec Leslie Cheung), elle ne tourne rien pendant trois ans.

Elle l’explique : « La raison pour laquelle j’ai décidé d’attendre deux ans après James Bond et de travailler avec Ang Lee dans un film d’arts martiaux, c’est parce que je crois vraiment que ce genre mérite plus de respect et de dignité qu’on ne lui en a jamais accordé. Avant, les gens voyaient cela comme un conte de fées. Mais il ne devrait pas s’agir de cela. C’est tellement ancré dans notre culture, ça devrait avoir plus de profondeur. Ce n’est jamais facile de trouver cet équilibre, quand c’est un genre de film aussi magique, où il faut faire accepter nos envolées vers le ciel. . . C’était un risque, mais quand on a fait ce film, c’était pour un public occidental.« 

Tigre et Dragon

Ainsi, une fois de plus, quand elle revient, tel un Phoenix, elle frappe fort. Après plus de quinze ans de carrière, l’actrice prend la tête d’affiche de Tigre et dragon, aux côtés de son vieux compagnon Chow Yun-fat et de la toute fraîche Zhang Ziyi. Mêlant tragédie en costumes et kung-fu filmés poétiquement, action et drame, romance et spiritualité, le film, réalisé par le grand Ang Lee, déjà couronné dans les plus grands festivals avec ses films précédents, donne ses lettres de noblesse à un genre souvent snobé, réussissant à conjuguer arts et martiaux avec une harmonie fascinante. Un tournant dans les films de wuxia. « Si vous lisez beaucoup de littérature chinoise, il y a toujours eu des figures féminines très fortes – guerrières, épéistes – qui ont défendu l’honneur et la loyauté avec les hommes. Ce n’est donc pas nouveau dans notre culture – cela en a toujours fait partie. C’est bien que, maintenant, le public occidental ait une image différente des femmes chinoises » précise l’actrice.

En vénérable guerrière, elle apporte un jeu intense, une beauté irradiante et un charisme indéniable à cette œuvre aussi humaniste que bouddhiste, cinématographique que plasticienne. Présenté à Cannes hors-compétition (hélas), le film entre dans la cour des grands dès son avant-première mondiale. L’ovation va durer des mois. Celle du public pour commencer : 215M$ de recettes dans le monde, dont la moitié aux Etats-Unis, malgré les sous-titres, et près de 2 millions d’entrées en France. Le cinéma hongkongais devient hype et respectable. Michelle Yeoh en est assurément une des figures de proue. Le film relance aussi la mode du film de sabre chinois et du chevalier errant, largement en perte de vitesse depuis des années.

Tigresse ou dragonne?

Et puis la critique et les professionnels ont également été séduits par cette nouvelle approche du film d’action et le savoir-faire asiatique. La beauté, l’élégance, la tristesse, la mélancolie, les échanges d’épée et l’harmonie globale du film enthousiasment tout le monde. Meilleur film aux Golden Horse Awards et Hong Kong Film Awards, Prix du public au Festival de Toronto, Meilleur film en langue étrangère aux National Bord of Reviews Awards… Ang Lee est choisit comme meilleur réalisateur par la Directors Guild of America. Les Golden Globes et les Independent Spirit Awards récompensent le film et le réalisateur. Les Baftas décenent quatre prix dont meilleur film étranger et meilleur réalisateur. Aux Oscars, c’est la première razzia pour un film en langue étrangère : meilleur film international, meilleurs décors, meilleure image et meilleure musique (et six nominations supplémentaires). Michelle Yeoh est nommée comme meilleure actrice aux Golden Horse Awards, aux Baftas, aux Hong Kong Film Awards et aux Saturn Awards.

De quoi changer de stature. Contrairement aux stars chinoises de l’époque, comme Gong Li ou Maggie Cheung, Michelle Yeoh dispose d’une notoriété désormais internationale, au-delà des cercles cinéphiles, en plus d’être populaire.

Mémoires d’une Geisha

La décennie qui suit sera, malgré tout, plus chaotique, avec des allers-retours entre le cinéma oriental et celui occidental. Du côté asiatique, elle se lance dans la production avec Le Talisman de Peter Pau, où elle tente à coups de savates de concilier les deux mondes, sans vraiment y parvenir tant le scénario est léger. C’est encore pire avec cette SF de super-héroïne, Silver Hawk de Jingle Ma. En revenant au cinéma d’avanture ou au policier d’action, Michelle Yeoh ne trouve pas la bonne recette.

Aussi retourne-t-elle en « Occident ». Rob Marshall ambitionne de porter à l’écran le best-seller Mémoires d’une geisha. Elle y joue les mères maquerelles, et, de nouveau, Zhang Ziyi va venir embêter sa tranquillité. C’est aussi pour elle l’occasion de croiser Gong Li et de parfaire son image de dame raisonnable mais pas dupe. Etrangement, les trois stars ne sont pas japonaises mais chinoises. La polémique annonce déjà la sensibilité des spectateurs à une certaine authenticité. « En Asie, on joue constamment des Coréens, des Malais, des Chinois. Nous ne remettons pas cela en question, comme vous ne questionnez pas un Anglais jouant un Américain ou un Allemand » justifie la comédienne.

Soleil pâle

Le film remporte néanmoins trois Oscars (sur six nominations) et cumule 160M$ au box office. Michelle Yeoh enchaîne avec Sunshine de Danny Boyle, film de science-fiction écrit par Alex Garland. Un rôle écrit pour un homme, au départ, et que le cinéaste changea pour pouvoir caster l’actrice dans ce jeu de massacre dans l’espace. Le film est un échec mais l’actrice convainc largement dans le rôle d’une botaniste au destin fatal. Cependant, la malédiction continue et les films suivants seront tous des échecs.

Sans doute plus occupée par sa longue liste d’actions caritatives, elle essaie de choisir des rôles qui lui correspondent humainement. Toujours prête à se sacrifier, Yeoh apporte un brin de suavité et de zen dans des films où l’histoire souvent improbable est compensée par des effets spéciaux ou athlétiques.

Far North d’Asif Kapadia, drame psychologique, horrifique et survivaliste, avec Sean Bean, est présenté hors-compétition à Venise. Babylon A.D. de Mathieu Kassovitz, film futuriste et énorme fiasco, avec Vin Diesel, l’amène là encore dans des conditions de tournage extrêmes. Le troisième opus de La Momie (La tombe de l’empereur dragon), de Robert Cohen, avec Brendan Fraser, Jet Li, mais sans Rachel Weisz remplacée par Maria Bello, est l’épisode de trop. Avec jubilation, elle saccage les rêves d’éternité de l’empereur Dragon. Mais, sans l’humour des deux premiers films, la critique le dézingue. Le public reste au rendez-vous avec 400M$ de recettes mondiales. Les orphelins de Huang Shui de Roger Spottiswood achève le calvaire occidental de l’actrice. Ce film de guerre avec Jonathan Rhys-Meyers et Chow Yun-fat est un échec et souffre d’une polémique sur la mésinterprétation historique.

Le règne des assassins

L’étoile de Michelle Yeoh a pâli. En 2010, John Woo et Chao-bin Su lui propose un double rôle dans Le règne des assassins. Un retour aux sources (son premier tournage en Chine continentale) où elle obtient la tête d’affiche, celui d’une tueuse douée pourchassée par un gang d’assassins dans la Chine antique. Projeté hors-compétition à Venise, le film est un succès en Asie et les critiques saluent le retour de l’actrice dans son genre de prédilection. Elle enchaîne avec True Legend et retrouve ainsi le réalisateur Yuen Woo-ping, un second-rôle dans un film d’arts martiaux. Mais un cuisant échec en salles.

La dame de Rangoon

Ne l’enterrons pas trop vite, cependant. Tel un grand huit, elle va chuter et rebondir durant quelques années encore. Celle à qui on demandait à Hollywood dix ans auparavant si elle parlait anglais n’a jamais lâché la bride.

C’est un cinéaste français qui va lui permettre de porter ce qu’elle estime être son plus grand rôle, celui de la résistante birmane Aung San Suu Kyi. Avec The Lady, elle a l’opportunité d’incarner une prix Nobel de la paix dans un biopic dramatique et romantique, aussi correct qu’efficace. Michelle Yeoh est à la manœuvre : c’est elle qui reçoit le scénario, qui contacte le cinéaste Luc Besson, ami de son compagnon, Jean Todt, grand patron de la Fédération de l’automobile, et c’est encore elle qui produit ce tournage sous surveillance. Cela lui vaudra d’être sur la liste noire des autorités birmanes. « S’il y a une chose que j’ai apprise de cette expérience, c’est qu’il faut croire aux gens et à leur capacité à grandir et à changer. Vous ne pouvez jamais perdre espoir » affirme celle qui ne lâche rien dans ses convictions très ancrées dans la culture bouddhiste.

The Lady

Malgré ce léger redécollage de carrière, et sans doute parce que le film n’a pas remporté le succès escompté, Michelle Yeoh va de nouveau traverser un désert, ponctué par quelques films. A cette époque, elle est davantage mondaine, entre organisations caritatives, grandes causes et soft power auprès de Todt. Elle prête sa voix pour Kung Fu Panda 2, devient cheffe cuistot (convaincante) dans Final Recipe, de Gina Kim, joue les seconds rôles dans une série B à succès, Mechanic : resurrection, aux côtés de Jason Staham, retrouve Yuen Woo-ping pour la suite évitable et médiocre de Tigre et dragon, avec Donnie Yen en partenaire (le film est malgré tout un hit en Chine), se remet à la science-fiction avec un personnage secondaire de scientifique dans Morgane de Luke Scott (avec Kate Mara et Anya Taylor-Joy), qui s’avère un gros flop oublié, et s’invite – non créditée ) dans Les Gardiens de la Galaxie vol. 2 de James Gunn. Avec ironie, elle commente ce passage à vide rempli de mauvais choix : « Quand un film rencontre un grand succès, c’est automatique : les gens commencent à penser à une suite, une préquelle, à un quel-quel.« 

Star Trek : Discovery

Pas de quoi pavoiser. L’actrice remplit son agenda avec des séries télévisées : Marco Polo, une saison de Strike Back et 24 épisodes de Star Trek : Discovery. De quoi ne pas trop se faire oublier du public. Cependant, cela ressemble à une voie de garage vers la retraite…

Crazy Rich Asian

La résurrection attendra 2018. En femme de la haute société asiatique, un peu revêche, très conservatrice, et ne manquant pas de piquant, elle brille dans Crazy Rich Asians de Jon Chu, rom-com « harlequin » qui reçoit un accueil public inattendu en Amérique du nord. La seule comédie romantique à avoir cartonnée au Box office durant ces années 2010. En marâtre intrusive, conservatrice et « bitch », elle vole la vedette aux tourtereaux de ce Roméo et Juliette un peu mièvre. Sans se forcer, elle égratigne son image, en étant à la fois plus rigide et pas forcément sympathique. Elle opère le même style de « scene-stealing » dans le mélodrame romantique Last Christmas de Paul Feig, en mère Noëlle caustique et comique, responsable d’une boutique londonienne spécialisée en déco de noël.

Son retour sur les écrans est assez hétérogène. Elle alterne avec un film hongkongais, du genre qui a fait sa réputation, Master Z : Ip Man Legacy, toujours réalisé par Yuen Woo-ping, avec Max Zjang et Dave Bautista, en cheffe de gang du crime organisé. Elle reste dans le cinéma de genre avec le film d’action SF Boss Level de Joe Carnahan, avec Mel Gibson et Naomi Watts. Le film sort directement sur les plateformes pour cause de crise sanitaire. Idem pour le thriller au féminin Bloody Milkshake, de Navot Papushado, où elle croise Angela Bassett et finit, borgne, la tête sur son épaule.

Master Z

Abonnée aux seconds-rôles, Michelle Yeoh accepte d’entrer dans l’écurie Marvel avec Shang-Chi et la légende des dix anneaux, produit comics destiné au marché asiatique. Elle y retrouve Tony Leung Chiu-wai. Dans ce blockbuster, elle est une tante attentionnée du super-héros. Le film rapporte 430M$ dans le monde, malgré la pandémie qui ferme de nombreux écrans.

Cependant, contre toute attente, alors qu’elle enchaîne les tournages, c’est un film indépendant inclassable qui va la faire revenir au premier plan, l’année suivante, en 2022.

Agatha Christie, Wicked, Avatar

Mais avant cela, Michelle Yeoh a signé de nombreux projets, tous différents, et de haut calibre. A plus de soixante ans, l’actrice sait qu’elle a une dernière carte à jouer pour durer. Les années 2020 vont sans aucun doute être les plus marquantes de sa carrière avec un Hercule Poirot / Agatha Christie réalisé par Kenneth Branagh (A Haunting in Venice, aux côtés de Jamie Dorman, Tina Fey et Camille Cottin) ; une adaptation d’un des « musicals » les plus populaires de Broadway, Wicked de Jon Chu, avec Cynthia Erivo, Ariana Grande et Jeff Goldblum), où elle incarne Madame Morrible ; une superproduction chinoise fantasy, Da Nao Donghai (de Jeffrey Lau) ; la série The Brothers Sun, avec Justin Chien, et quelques voix (Transformers : Rise of the Beasts, ARK, The Tiger’s Apprentice) ; elle est surtout attendue dans les trois prochains Avatar de James Cameron.

Michelle Yeoh va rejoindre la franchise triomphale située sur l’imaginaire Pandora dans le rôle du Dr Karina Mogue, scientifique humaine qui devrait apparaître dans les trois prochains épisodes de la saga.

Démultiplication et résurrection

Ce programme chargé a débuté dès la crise sanitaire. Rien qu’en 2022, on l’aperçoit en Professeur Anemone dans L’école du bien et du mal de Paul Feig, le spin-off de la série The Witcher (L’héritage du sang), pour laquelle elle a touché 70000$ par épisode, et on l’entend dans les films d’animation Samouraï Academy et Les Minions 2 (toujours en « Master » d’arts martiaux).

Mais 2022 sera avant tout l’année où elle est Evelyn Wang dans Everytime, Everywhere, All At Once. Depuis près de quarante ans, elle a su s’imposer comme LA femme capable d’être l’égale des héros mâles et virilistes. Elle ne le fut pas sur un film ou avec un cinéaste, contrairement à beaucoup de ses consoeurs, mais tout au long de sa carrière jusqu’à en faire une marque de fabrique touchant un large public sur tous les continents.

Avec le temps, elle a contraint scénaristes, producteurs, réalisateurs de lui écrire des scènes où ses personnages ne seraient pas que violents et physiquement forts. Ainsi, Yeoh insuffle, même dans les navets, une part de paix et d’humanité, quitte à devenir l’un de ces super-héros contemporains, subissant leur don de manière tragique, prêts à mourir pour le bien des autres. « En tant qu’acteur, vous espérez trouver des rôles qui vous défient en tant qu’artiste. Ensuite, si vous êtes vraiment béni, vous constaterez qu’il porte également un message que vous pouvez transmettre à votre public » rappelle l’actrice.

Sexy sexa

Elle survit à tout. De toutes les stars non anglo-saxonnes, elle est même la seule rescapée des années 1980 toujours à l’affiche de productions de studios américains. Et, hormis Penelope Cruz et Salma Hayek, la seule actrice non anglophone qui est restée (très) demandée à Hollywood depuis plus de 20 ans.

EEAAO

Pourtant, il lui manquait une couche de vernis sur son CV. Un zeste de glam et de reconnaissance pour assoir son statut de superstar mondiale. C’est alors que les « Daniels » sont arrivé, Daniel Kwan et Daniel Scheinert, avec un scénario pour le moins singulier, faisant le pont entre ses talents : le drame féministe presque mélo et le film d’action SF où elle peut prouver une fois de plus sa capacité à terrasser n’importe quel adversaire.

« En tant qu’actrice, vous savez qu’il y a des limites à ce que vous pouvez faire de manière créative. En tant que producteurs, nous pouvons influencer la destination du budget, mais seul le réalisateur contrôle vraiment le ton, le type de film que vous essayez de faire. Je crois que le réalisateur est vraiment l’âme d’un film. C’est un effort de collaboration, mais le réalisateur est celui qui doit avoir cette vision. Même avec un excellent scénario, au minimum, mais si vous n’avez pas quelqu’un avec une vision, ce ne sont que des mots« , selon elle.

EEAAO s’avère non seulement un succès public imprévu, mais également un triomphe critique surprenant pour un film de ce genre, mêlant comédie presque burlesque, métaverse déjanté, crise familiale et personnages dépressifs. 7 Oscars au final, dont celui du meilleur film, de la meilleure réalisation, du meilleur scénario original, des meilleurs second-rôles (pour Ke-huy Quan et Jamie Lee Curtis, deux revenants nés dans le film de genre il y a plus de quarante ans eux aussi) et de la meilleure actrice. Le sacre est total, sans doute un peu surdosé, mais irrévocable. Michelle Yeoh est désormais une « Academy Winner », la première asiatique, et la deuxième après Halle Berry (une autre James Bond Girl) issue d’une minorité visible, à remporter la statuette pour un rôle principal. De quoi la faire rentrer dans l’histoire du cinéma. Une icône comme l’affirmait fin 2022 le magazine Time.