L’immigration, sujet inflammable médiatiquement, a toujours été au cœur des récits du cinéma. Mais comment a-t-on raconté l’histoire des migrations dans les films? Et comment les étrangers ont influencé le cinéma d’un pays comme la France?
Le nouveau parcours du musée national de l’Histoire de l’immigration au Palais de la Porte Dorée à Paris fait la part belle au 7e art en diffusant huit extraits de films, en plus de créations audiovisuelles contemporaines.
« Plutôt que de rappeler la place de l’immigré dans le cinéma français, souvent accessoire et stéréotypée, la sélection montre, que du muet au parlant, le 7e art est un art de « métèques » explique le musée dans sa présentation.
Il ne s’agit donc pas de montrer l’immigré comme un délinquant ou un misérable ghettoïsé. Ni même de diffuser des histoires d’immigrés américains racontées par Scorsese, Kazan, Coppola, Gray, Leone, Eastwood ou Spielberg.
Huit films et demi
La collection s’attache plutôt ici à attiser une certaine curiosité avec des films très différents, signés par des cinéastes et scénaristes engagés, de 1905 à 1980, d’Au pays noir de Ferdinand Zecca à Nationalité immigré de Sidney Sokhona et Zone immigrée du collectif Mohamed.
Ainsi on découvre l’un des films de la pionnière Alice Guy, L’américanisé, soit un époux exploite sa femme jusqu’à leur arrivée à New York, où un américain lui explique le concept d’égalité des sexes, affranchissant ainsi l’épouse de sa servitude. Rappelons qu’Alice Guy s’est elle-même exilée aux Etats-Unis, où elle a créé son propre studio, loin de l’emprise masculine de Gaumont.
Avec le mélodrame Le Lion des Mogols, Jean Epstein met en vedette Ivan Mosjoukine, immigré russe et star du cinéma muet des années 1920 et naturalisé français, incarne un valeureux prince hindou. En plus d’un extrait, le parcours expose aussi l’affiche du film et la biographie de l’acteur.
Le grand Jean Renoir s’est intéressé à l’immigration laborieuse des Italiens (autrefois traités comme des chiens) mais aussi des espagnols avec Toni, d’après une idée de Jacques Levert inspirée d’un fait-divers local, le tout produit par Marcel Pagnol. Un drame romantique et tragique, assez frontal sur le racisme français, qui annoncera le néoréalisme italien. Au musée, c’est une scène de gare qui est projetée, avec les Italiens arrivant à quai dans un lieu étranger.
Autre géant du cinéma français, Marcel Carné et son monument, Les enfants du paradis, avec un scénario de Jacques Prévert. Tourné durant l’Occupation, le film est classé au patrimoine mondial de l’humanité à l’Unesco. C’est la foule et les saltimbanques qui se mélangent ici dans un carnaval dantesque, comme une forme d’utopie festive du vivre ensemble, sans distinctions d’origines ou de classes.
Finissons avec O salto (« le saut ») de Christian de Chalonge, qui là se focalise sur l’immigration portugaise, avec ceux qui cherchent du travail, ceux qui fuient le dictature et ceux qui veulent échapper à la guerre colonialiste portugaise en Afrique. Ce film très documenté, et produit par Philippe de Broca, a reçu le Prix Jean Vigo.
Au fil du parcours chronologique, on remarquera enfin l’affiche d’un film emblématique sur l’immigration nord-africaine, Le Thé au harem d’Archimède de Mehdi Charef.