Trois femmes, dans un appartement à Marseille en pleine canicule. En face, leur mystérieux voisin, objet de tous les fantasmes. Elles se retrouvent coincées dans une affaire terrifiante et délirante avec comme seule quête, leur liberté.
Les différentes affaires #MeToo et VVS (les violences sexistes et sexuelles) ont commencé à secouer le cinéma, les médias, la politique, et plus largement la société. Après cette salutaire libération de la parole, se profilent enfin des nouvelles mesures de prévention pour que tout cela ne se reproduise plus. Mais le processus est lent, trop lent. Noémie Merlant réagit à ça avec un nouveau film d’une liberté folle et à la radicalité fantasque : si un homme est coupable , on peut s’en débarrasser…
Les femmes au balcon débute avec une caméra faisant le tour de plusieurs immeubles et leurs balcons. Chacun vaque à ses occupations tout en essayant de prendre l’air : on est à Marseille, étouffant sous une chaleur caniculaire. Sur un balcon en particulier, une femme fatiguée se repose quand son mari odieux la tabasse méchamment comme à son habitude : ça sera la fois de trop et elle lui mettra un coup de pelle sur la gueule. En quelques minutes d’introduction, le film donne le ton des mésaventures qui vont suivre : trop c’est trop, et un homme violent ça peut se liquider.
Fenêtre sur cour
A un autre étage de l’immeuble, on découvre un trio de copines inséparables. Nicole est la rigolote de service en manque d’inspiration pour écrire un début de roman ; Ruby est la plus délurée et fait du strip-tease nue en webcam ; enfin, Elise est une actrice qui a besoin d’une pause après un tournage, tout en s’éloignant de son petit-ami. En arrivant, cette dernière a malencontreusement heurté la voiture d’un type. Il s’agit du mystérieux et beau voisin que Nicole regarde souvent sur le balcon en face pour fantasmer. Tout tend vers la rencontre de ce beau gosse, mais tout va dérailler… Un cadavre et beaucoup de sang…
Le trio, très complice est épatant : Noémie Merlant joue elle-même l’actrice qui en a marre de tout et surtout de son fiancé, Souheila Yacoub est celle la plus à l’aise avec son corps et sa sexualité, et Sanda Codreanu (déjà dans Mi iubita mon amour, le film précédent de Merlant) est la plus réservée en apparence. Trois jeunes femmes qui représentent tout un éventail de séduction et de relations avec des hommes : il y a celle pour qui c’est facile et souvent, celle pour qui c’est difficile et rare, et il y a celle pour qui c’est compliqué. La sororité est visible : une grande liberté de parole, l’exposition du corps sans jugement, et le soutien moral.
Union sacrée
L’intrigue en elle-même a les allures d’une farce. Elle sert de fil-rouge à plusieurs scènes amusantes de comédie, même si l’essentiel du film réside dans cette solidarité féminine.
Les femmes au balcon distille du début à la fin plein de dialogues et de situations à propos des diverses thématiques féministes. Soit autant de sujets à reconsidérer : le consentement, le désir, le viol conjugal, le bodycount du nombre de partenaires sexuels passés (8 ou 80, quelle importance ?), l’examen gynécologique, le body-shaming… Il y a les paroles et les actes. On les voit poitrines et cheveux au vent en train d’affirmer leur force.
En littérature, Virginie Despentes avait déjà écrit une lettre de colère avec « C’est terminé. On se lève. On se casse. On gueule…». En février dernier Judith Godrèche a, elle aussi, rédigé un texte vindicativf: « Il faut se méfier des petites filles. Elles touchent le fond de la piscine, se cognent, se blessent, mais rebondissent. Les petites filles sont des punks…».
Au cinéma, il y a ce geste de cinéma punk signé Noémie Merlant. Les femmes au balcon est une parfaite illustration de la sororité. Trois sorcières audacieuses en action. Jubilatoire.
Les femmes au balcon
Cannes 2024. Séance de minuit
1h45.
Avec Noémie Merlant, Souheila Yacoub, Sanda Codreanu
Réalisation : Noémie Merlant
Scénario : Noémie Merlant, avec la collaboration de Céline Sciamma
Distribution : Tandem films