Cannes 2024 | Spectateurs : l’hymne au cinéma d’Arnaud Desplechin

Cannes 2024 | Spectateurs : l’hymne au cinéma d’Arnaud Desplechin

Qu’est-ce que c’est, aller au cinéma ? Pourquoi y allons-nous depuis plus de 100 ans ? Je voulais célébrer les salles de cinéma, leurs magies. Aussi, j’ai suivi le chemin du jeune Paul Dédalus, comme le roman d’apprentissage d’un spectateur. Nous avons mêlé souvenirs, fiction, enquêtes… Un torrent d’images qui nous emporte.

Arnaud Desplechin est un habitué de Cannes (Semaine de la Critique, Quinzaine des Réalisateurs, en compétition, en ouverture…). Son nouveau film est cette fois-ci sélectionné en séance spéciale. Spectateurs comporte bien quelques scènes filmées avec des acteurs mais c’est avant tout un documentaire. Comme souvent, ses histoires racontent des épisodes de sa vie sentimentale et familiale, et avec ce documentaire, il raconte de manière très personnelle son amour pour le Cinéma.

Pour le Cinéma, avec un C majuscule puisque Spectateurs décrit autant l’importance de la naissance du Cinéma comme forme d’art que l’expérience de voir un film dans une salle et la force de témoignage des images.

La structure de Spectateurs est à la fois linéaire (de l’invention de la technique du cinéma il y a plus d’un siècle à la réalisation d’un film de cinéma aujourd’hui) que brouillonne (il parle de sa grand-mère, puis d’un cours théorique, puis d’un ami américain) où se succèdent divers sujets.

Le documentaire avance par chapitres. Certains chapitres semblent superflus (la trop longue introduction sur la mise en mouvement d’images, la définition de la notion de spectacle), et d’autres se suivent sans transition (l’inclusion d’anciennes archives vidéo où lui-même fait des interviews de personnalités qu’il admire, des acteurs qui évoquent leur dernier film vu).

« La photographie c’est la vérité. Et le cinéma c’est la vérité 24 fois par secondes. »

Au milieu de tout ça; différents acteurs apparaissent pour des courtes saynètes réalisées spécifiquement pour le film. Ainsi, plusieurs visages à différents âges de son alias de fiction Paul Dedalus interviennet. On y reconnaît par exemple Milo Machado Graner, Salif Cissé, le fidèle Mathieu Amalric…, et même Françoise Lebrun qui joue sa grand-mère. Ce sont autant de charmants intermèdes, certains avec un ton plus professoral et d’autres avec une tonalité plus amusante.

Au fur et à mesure de ces chapitres, la narration (le plus souvent avec un texte lu en voix-off) avance avec des propos assez généralistes et un montage de plusieurs extraits de film. Un chapitre un peu plus long que les autres concerne son grand choc de spectateur devant un film : Shoah de Claude Lanzmann, et donc la possibilité du cinéma d’être un moyen pour représenter l’indicible.

Arnaud Desplechin se raconte en évoquant l’importance du cinéma à ses yeux : les déshérités, les indiens d’Amérique, Marilyn Monroe, Clark Gable, et même les seins de Julia Roberts (qui seront vus seulement par Hugh Grant dans Coup de foudre à Notting Hill, mais pas par le spectateur), son ami cinéaste américain Kent Jones…

Il organise avec ce documentaire un maelstrom de dizaines souvenirs de sa jeunesse : quelques futilités comme le choix précis du rang et du siège où mieux s’asseoir dans une salle de cinéma, une sorte de très court court-métrage où une jeune fille amoureuse d’un garçon n’osera pas se déclarer franchement, conduisant sa copine à profiter du baiser du garçon, ou encore une rapide analyse du générique du début de Les 400 coups de François Truffaut.

« C’est un dur travail de transformer nos peines en art. »

Spectateurs apparaît comme un curieux documentaire foisonnant, une oeuvre hybride entre essai de sociologie et tentative d’autoportrait biographique. Peut-être à voir en complément avec deux autres oeuvres présentées aussi durant ce festival de Cannes dans d’autres variations de forme tout aussi libre : Caught by the tides de Jia Zhangke et C’est pas moi de Leos Carax.

Spectateurs
Cannes 2024. Séance Spéciale
1h28.
Avec Louis Birman, Dominique Païni, Clément Hervieu-Léger de la Comédie Française, Françoise Lebrun, Sandra Laugier, Olga Milshtein, Milo Machado Graner, Margaux Mussano, Arthur Lautier, Sam Chemoul, Micha Lescot, Kent Jones, Salif Cissé, Mathieu Amalric
Réalisation : Arnaud Desplechin
Scénario : Arnaud Desplechin
Distribution : Les Films de Losange