Cannes 2022 | Tout le monde aime Jeanne de Céline Devaux : nous aussi !

Cannes 2022 | Tout le monde aime Jeanne de Céline Devaux : nous aussi !

Pour les amateurs de courts métrages et / ou d’animation, le cinéma de Céline Devaux n’est pas vraiment une découverte ! Dès 2015, elle est sélectionnée en compétition officielle à Cannes avec Le repas dominical, et reçoit dans la foulée le César du meilleur court métrage d’animation. Deux ans plus tard, avec Gros chagrin, elle obtient un lion d’or à Venise. Ce récit d’une rupture amoureuse qui oscille entre humour façon comédie sentimentale et amertume déchirante inspirée des plus grands drames amoureux est réalisé à la fois en prise de vues réelles et en animation (et plus précisément en utilisant l’écran d’épingles inventé par Alexandre Alexeïeff et Claire Parker dans les années 30 afin de se rapprocher au plus près de l’esthétique de la gravure en aquatinte).

Ce sera également le cas de cette comédie romantique pétillante et cocasse dans laquelle s’invitent tour à tour l’humour le plus noir et une sensibilité à fleur de peau. Son personnage, Jeanne, merveilleusement interprété par une Blanche Gardin plus désabusée que jamais, traverse une (très) mauvaise passe. Elle tente de le dissimuler aux autres, mais sa petite voix intérieure, ingénieusement matérialisée par un personnage animé qui lui parle en voix off, ne cesse de le lui rappeler. Elle la harcèle même littéralement, à la fois caustique, cruellement ironique et implacable. On le sait : notre pire ennemi, c’est souvent nous-mêmes… 

A cette jolie idée de scénario, la réalisatrice adjoint des déambulations mélancoliques dans la ville de Lisbonne, un personnage masculin qui, d’abord, nous horripile (normal, c’est Laurent Lafitte, quasi au naturel), avant de finir par nous bouleverser, le fantôme lui aussi plutôt hostile d’une mère dont il est difficile de faire son deuil, et surtout une écriture qui trouve toujours le ton juste pour évoquer avec humour et pudeur nos angoisses profondes, nos mal-êtres indicibles et nos plaies béantes.

Pas si courant, au cinéma, de voir cet équilibre entre un récit résolument léger, presque lumineux, et une réalité plus complexe et ambivalente, qui vient nier les insupportables injonctions “à aller bien” coûte que coûte. Certaines séquences nous font ainsi passer, en une inflexion de voix, de la détresse à l’espoir, réussissant à capter très fugacement cet éternel mystère des émotions humaines.

Fiche technique
Tout le monde aime Jeanne de Céline Devaux (France, 2022)
Avec Blanche Gardin, Laurent Lafitte, Maxence Tual, Nuno Lopes, Marthe Keller... 1h35
Sortie française :