Les César : 10 autres films (pas nommés) qui ont fait l’année 2022

Les César : 10 autres films (pas nommés) qui ont fait l’année 2022

La 48ème cérémonie va donc célébrer à travers la remise de César une sélection des films les plus remarqués de l’année passée, avec des multiples nominations pour L’innocent, La nuit du 12, En corps, tout comme Novembre, 3e plus gros succès français de l’année. Plusieurs nominations pour la surprise du Festival de Cannes Pacifiction: tourment sur les îles et celle du Festival de Venise Saint-Omer, lauréats du Prix Louis-Delluc 2022.

L’organisation des César s’adapte progressivement aux débats du moment : le règlement implique que désormais les personnes accusées de violence seront privées d’invitation à la cérémonie mais sans que cela les empêche de recevoir un César, si tel est le résultat des votants. On approche aussi de la parité entre votants hommes et femmes. Et pourtant aucune femme parmi les cinq noms de la catégories ‘meilleure réalisation’… Chacun ses favoris, même si on sait d’avance qu’il y aura plusieurs César pour La nuit du 12, succès estival surprise porté par Haut et Court après sa projection à Cannes.

C’est l’occasion aussi de se remémorer d’autres films bien moins populaires dans le nombre de votes (et aussi en nombre de spectateurs), invisibilisés par les votants et absents des nominations. Il faut saluer cette belle diversité, pas assez représentée aux César, qui préfère toujours les films du milieu aux audaces formelles, les grands films de Cannes et Venise aux productions saluées par la critique mais passées sous les radars. Voici 10 films dont des premières oeuvres ont été aussi emblématiques, à leur manière, du meilleur de 2022 : de la reconstitution historique, du policier, du frame psychologique, de la politique, de la romance… dont quelques uns signés par des femmes moins médiatisées qu’Alice Diop, Rebecca Zlotowoski ou Alice Winocour : Anaïs Volpé, Audrey Estrougo, Emily Atef, Sylvie Verheyde.

Adieu Monsieur Haffmann, de Fred Cavayé (sortie le 12 janvier 2022) : la période historique délicate à raconter, celle où en France il y a eu occupation et déportations (et qui est une adaptation d’une pièce de théâtre), en plus à travers un presque huis-clos dans une bijouterie : et c’est une délicate réussite. Et il faut reconnaître que Gilles Lellouche a été en fait un des meilleurs acteurs sans nomination cette année, avec ses divers rôles ici et dans Adieu monsieur Haffmann, Goliath, Kompromat, Fumer fait tousser.

Maigret, de Patrice Leconte (sortie le 23 février 2022) : le détective de notre patrimoine français comme on ne l’avait encore jamais vu adapté d’une histoire de Georges Simenon, et donc un Maigret vieux et fatigué qui va se essayer d’élucider un crime honteux de la ‘bonne société’. Gérard Depardieu lui aussi fatigué depuis quelques films rappelle ici qu’il est encore un acteur qui en impose. Mieux encore, sous ses airs académiques ce Maigret est comme un ‘Dahlia noir’ français très réussi. Patrice Leconte (qui garde toujours collée à lui une étiquette de ‘réalisateur de comédie’) démontre une nouvelle fois qu’il est un grand metteur en scène dans n’importe quel genre de film (Une promesse, Voir la mer, Dogora, La veuve de Saint-Pierre…).

Entre Les Vagues, de Anaïs Volpé (sortie le 16 mars 2022) : dans la catégorie ‘meilleur film’ il y a Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi (seule femme réalisatrice dans cette catégorie) qui a mis en scène certains de ses souvenirs portés par un brillant casting, dont Nadia Tereszkiewicz en catégorie ‘meilleur espoir féminin’. Vouloir jouer un rôle, vouloir presque devenir une autre, vouloir être remarquée : cette passion et cette fièvre est aussi dans la plupart des séquences de Entre les vagues! Les César n’ont pas su voir assez l’actrice Souheila Yacoub ici (aussi second rôle dans En corps de Cédric Klapisch), mais ce n’est pas le cas de Hollywood qui l’a repérée : elle sera dans le film américain Dune: deuxième partie

Le monde d’hier, de Diastème (sortie le 30 mars 2022) : Diastème est à la fois scénariste des passions amoureuses du coeur avec son film Juillet Août (et pour Christophe Honoré, Olivier Jahan, Jessica Palud), des passions haineuses de la politique avec Coluche, l’histoire d’un mec (réalisé par Antoine de Caunes) et des passions engagées qu’il a réalisées à propos des dangers de l’extrême-droite dans Un Français et Le monde d’hier. La politique-fiction au cinéma est un style de film risqué, d’autant plus quand la fiction pourrait ne pas être éloignée de l’actualité… On salue un premier rôle pour Léa Drucker qui est véritablement une actrice majeure sans nomination cette année : elle est aussi en haut de l’affiche dans Petite Solange, Incroyable mais vrai, Les femmes du square, Couleurs de l’incendie, et Close (qui concourt à la fois pour un César du meilleur film étranger et un Oscar du meilleur film international).

A la folie, de Audrey Estrougo (sortie le 6 avril 2022) : C’est l’exemple-type du petit film qui s’est presque produit contre le système de production habituel (financement par chaine de télévison + CNC, etc…), avec une petite équipe réduite au minimum. Audrey Estrougo alterne d’ailleurs entre films solidement financés par de multiples partenaires et avec des stars (Toi, moi, les autres; La Taularde, Suprêmes) et petits films plus personnels et bien plus intenses, sans aide, sinon l’implication de son équipe et de certaines actrices (Regarde-moi, Une histoire banale, et ce À la folie). Cette fois c’est le difficile thème de la schizophrénie dans une famille, À la folie a été peu distribué et peu vu mais ça n’en fait pas moins une pépite de l’année.

Vortex, de Gaspar Noé (sortie le 13 avril 2022) : Gaspar Noé avec Benoît Debie, «La vie est une courte fête qui sera vite oubliée», Dario Argento avec Françoise Lebrun, «À tous ceux dont le cerveau se décomposera avant le cœur»… Aucune nomination, pas même en catégorie ‘meilleur montage’.

Le tigre et le président, de Jean-Marc Peyrefitte (sortie le 7 septembre 2022) : après la première guerre mondiale en 1920, Paul Deschanel devient président face à Georges Clemenceau qui lui voudrait revenir président, un peu plus tard Paul Deschanel, tombé d’un train, a disparu… A partir de ce fait historique qui ne représente pas grand-chose, Jean-Marc Peyrefitte en a fait la trame d’un film amusant, audacieux, avec de multiples gags visuels cocasses, de nombreux dialogues ironiques sur la traditionnelle opposition politique (celle de 1920, mais aussi celle de 1981, et bien entendu celle de 2022…) entre une droite trop conservatrice et une gauche progressiste. Presque tout ce qui y est raconté est autant improbable que véridique. Et l’acteur Jacques Gamblin qui est dans la vie en même temps lunaire et facétieux trouve là grand-rôle parfait pour lui. Jacques Gamblin a déjà reçu un Ours d’argent d’interprétation au Festival de Berlin, mais toujours aucun César malgré trois nominations passées (et donc injustement aucune cette année).

Athena, de Romain Gavras (pas de sortie en salles, sortie en streaming sur Netflix le 23 septembre 2022) : les avis sont partagés, le propos du film est clivant, mais c’est une proposition forte de cinéma qui était en compétition au Festival de Venise. Qu’on aime ou pas Athena, il y a du talent éclatant devant la caméra et derrière. La mise-en-scène est une prouesse technique en même temps qu’un pari artistique flamboyant. C’est un de films français qui a été le plus vu à l’international, avec certaines critiques dithyrambiques : «dans les meilleurs films de l’année 2022», «note de 100/100», «film le plus excitant de l’année»… Les Oscars américains ont depuis plusieurs années intégré dans leurs différentes catégories des films de streaming dont ceux de Netflix (Oscars 2023 = 16 nominations au total pour des titres Netflix), et plusieurs ont gagné des statuettes hollywoodiennes (dont Roma de Alfonso Cuarón, et Mank de David Fincher qui va recevoir un César d’honneur). Il va bien falloir que le débat s’ouvre pour la présence d’un film Netflix aux César…, car le César de la meilleure réalisation aurait été mérité pour Romain Gavras.

Plus que jamais, de Emily Atef (sortie le 16 novembre 2022) : l’histoire déchirante d’un couple amoureux dont la relation va à la fois se fragiliser et se renforcer au moment où une maladie fait que le mort va arriver vite pour les séparer. Vicky Krieps est une autre grande actrice de l’année avec ce grand rôle dans Plus que jamais, mais aussi dans De nos frères blessés, et dans Corsage qui lui a d’ailleurs valu des prix de meilleure actrice aux festivals de Cannes (section Un Certain Regard) et un Prix du cinéma européen. Pour le manque de femme réalisatrice en catégorie ‘meilleure réalisation’ beaucoup de noms ont été évoqués et celui d’Emily Atef s’ajoute injustement à cette liste d’absentes. C’était aussi le moment de se souvenir de Gaspard Ulliel, ici dans son dernier rôle sur grand écran.

Stella est amoureuse, de Sylvie Verheyde (sortie le 14 décembre 2022) : Steven Spielberg n’est bien évidemment pas le seul cinéaste à raconter des souvenirs d’enfant de parents qui divorcent dans un film comme The Fabelmans. Ce mélange des genres entre se raconter à travers de l’auto-fiction et une fiction (ré)inventée pour le plaisir de tous se fait aussi en France par d’autres. Pour Sylvie Verheyde, c’est même la deuxième fois avec Stella est amoureuse après Stella en 2008 (mais les deux films peuvent de voir de manière indépendante l’un de l’autre). Dans ce film la réalisatrice Sylvie Verheyde a réussi plusieurs petits miracles : un retour nostalgique dans les années 80 et précisément ici 1985 (bien mieux que dans Eté 85 de François Ozon). Elle est l’une des rares à savoir filmer Benjamin Biolay comme un acteur crédible, à savoir rendre compte d’une certaine ‘lutte des classes’ entre province et parisianisme… Avant la cérémonie dans la liste de 16 révélations mises en lumière pour la catégorie de ‘César du meilleur espoir’ il manquait la jeune Flavie Delangle (déjà premier rôle adolescente dans le court-métrage ‘Marlon‘ en lice pour un César en 2018) au centre de Stella est amoureuse.